Vient de paraître – «Trahouija» de Lotfi Manai : Quand le théâtre parle le dialecte kairouanais
Lotfi Manai est un jeune écrivain qui publie sa première œuvre littéraire, une pièce de théâtre qu’il a choisi de rédiger en langue arabe parlée. Pour un essai, l’on peut déjà parler d’un succès.
D’abord parce que la langue utilisée est du terroir kairouanais, contenu et contenant. Il a bien choisi ses locutions et bien exercé son pouvoir de conviction.
Il a emprunté des chemins de récit bien particuliers. Il s’est ouvert les portes des prisons pour ses récits fort attrayants en dépit des atmosphères carcérales. Des récits répartis sur quatre volets.
Les personnages pointés sont au nombre de dix tous azimuts : l’universitaire et chercheur, Safouane, l’ingénieur informaticien Hicham, l’agriculteur Mosbah, le chef restaurateur Jaâfar, le forgeron Jilani et le marchand ambulant Sahbi, tous prisonniers enfermés vivant sous le joug. De l’autre bord, le médecin de la prison prénommé Tabib très sollicité et étant donné l’atrocité et les très mauvaises conditions d’incarcération, d’ailleurs Tabib est une famille de Kairouan de vieille souche, ainsi que les trois gardiens d’un autre milieu que ceux des prisonniers. Le médecin est souvent l’arbitre que certains parmi les personnages réclament, alors que d’autres refusent ou repoussent.
La prison est nourricière de mauvaises habitudes apprises et inculquées, par tout un chacun, sur le tas.
D’où les dialogues acerbes entre les différents personnages qui, dès le lever du rideau, sont présentés par l’auteur en ligne droite. Au rendez-vous, chacun dit en un mot, voire plus qu’un mot, le propre de sa présence dans la pièce et ses rapports en zigzag avec les autres personnages partenaires dans le jeu.
Les succulents langages de la pièce font de ceux en face, lecteurs ou spectateurs, des personnes bien en place appréciant à leurs justes valeurs les répliques des différents personnages agissant dans leurs propres contextes.
La pièce «Trahouija» dont le titre, reconnaît l’auteur, est emprunté à la chanson de Zied Gharsa, est réellement de «haute voltige» dans un espace carcéral fort étouffant. Pour un essai, Lotfi Manai a réussi une œuvre d’une haute facture.
Ali BEN LARBI
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