Economie tunisie

Valorisation des terres domaniales | Locomotive du développement social et économique

 

En Tunisie, l’agriculture est avant tout une affaire familiale. Environ 75% des terres agricoles exploitées ont une superficie inférieure à 10 hectares. Les petits agriculteurs constituent donc l’épine dorsale du secteur agricole, mais le problème est qu’ils sont les plus pauvres et les moins capables d’obtenir des fonds.

Un Conseil ministériel restreint consacré à l’examen des mesures financières et structurelles nécessaires à l’amélioration de l’Office des terres domaniales a récemment eu lieu au Plais de La Kasbah.

Le chef du gouvernement, Kamel Maddouri, qui présidait ce Conseil, a souligné la nécessité de formuler une stratégie globale pour la valorisation du fonds domanial agricole de l’État afin qu’il joue son rôle de locomotive du développement social et économique.

Dans la même optique, Maddouri a insisté sur l’importance de surmonter tous les obstacles et d’adapter la législation adéquate pour permettre l’exploitation optimale de ce fonds agricole, en tirer la valeur ajoutée souhaitée et accroître l’efficacité des méthodes de sa gestion au niveau des terres qui lui sont affiliées. Il s’agit également de trouver des solutions radicales pour l’exploitation des terres agricoles récupérées, afin qu’elles soient une locomotive de développement pour diverses formes d’investissement légalement autorisées au profit des exploitants ainsi que des sociétés communautaires.

Au cours de ce Conseil, des données ont été présentées sur l’état actuel de l’Office des terres domaniales et les moyens de développer sa gouvernance, d’augmenter sa rentabilité et de valoriser le fonds qui lui est inhérent.

Le Conseil a approuvé une série de mesures urgentes en faveur de l’Office en question lui garantissant ainsi la possibilité de remplir ses obligations financières et d’être  prêt pour la saison agricole 2024-2025  avec un appel à achever à la fin de ce mois l’élaboration d’un business plan conforme à une vision stratégique ambitieuse qui développerait ses activités économiques et son impact sociétal et moderniserait ses méthodes et mécanismes de production pour assurer sa pérennité.

Cas complexes

La superficie des terres agricoles en Tunisie est estimée à 10 millions d’hectares répartis en trois types de propriété : la propriété privée, les terres domaniales (dites Amiri), soit un demi-million d’hectares, et les terres collectives tribales, soit environ 3 millions d’hectares. Les terres privées ne posent pas de problèmes majeurs en termes de propriété et de gestion, car leurs propriétaires sont connus et peuvent utiliser leurs terres comme bon leur semble.

D’autre part, les terres domaniales agricoles, qui sont considérées parmi les terres les plus fertiles de Tunisie, sont la propriété de tous les Tunisiens — au moins légalement et théoriquement — et sont gérées par l’Office national des terres domaniales à travers 3 mécanismes : l’attribution dans le sens de la concession aux institutions publiques, la location aux entreprises et aux particuliers et la vente. Après l’indépendance, l’Etat était le principal exploitant de ces terres, soit directement, soit en les concédant aux coopératives agricoles. Puis, à partir des années soixante-dix du siècle dernier, le régime tunisien ayant opté pour le système libéral, la vente des terres et la dissolution des coopératives au profit de sociétés d’investissement ont commencé. Au cours des deux dernières décennies, la mauvaise gestion des terres agricoles domaniales s’est aggravée. Bien que l’Etat ait cessé de vendre, il a commencé à louer, pour des raisons financières ou non, les terres les plus vastes et les plus fertiles à ceux qui sont les plus proches de l’ancien régime.

Après 2011, de nombreux lots de terres de l’Etat ont été saisis par de petits agriculteurs au chômage, mais l’Etat les a pour la plupart récupérés. La seule expérience qui a survécu est celle de l’économie solidaire autogérée dans l’oasis de «Jemna», à l’extrême sud du pays.

Ces ambiguïtés qui persistent

Le problème le plus important reste celui des terres collectives, dont le propriétaire initial est un groupe ou une tribu, et dont plusieurs tribus revendiquent et contestent parfois la propriété. En raison de cette ambiguïté, les terres ne peuvent être vendues ou louées, et il est impossible d’obtenir un prêt bancaire pour les exploiter.

Cette situation complexe laisse des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles improductives, dont les propriétaires observent avec tristesse le chômage ou le travail mal rémunéré sur les terres d’autrui ou dans les villes.

Les terres collectives constituaient un casse-tête chronique pour l’Etat jusqu’à ce qu’il décide de résoudre le problème en promulguant, en août 2016, une loi réglementant le système primaire des terres collectives et leur gestion. Néanmoins, la loi n’a pas abordé ces questions en profondeur et n’a pas non plus fourni de solutions claires dans plusieurs cas complexes.

En Tunisie, l’agriculture est avant tout une affaire familiale. Environ 75% des terres agricoles exploitées ont une superficie inférieure à 10 hectares. Les petits agriculteurs constituent donc l’épine dorsale du secteur agricole et le problème est qu’ils sont les plus pauvres et les moins capables d’obtenir des fonds.

Depuis la fin des années 80, le rôle des entreprises agricoles et des investisseurs a commencé à prendre de plus en plus d’importance jusqu’à ce que le montant des investissements pour l’année 2018 atteigne environ 1.500 milliards de dinars.

Investissements faibles

L’investissement étranger dans l’agriculture en Tunisie reste limité, il se situe entre 15 et 25 millions de dinars, ce qui représente moins de 2% du total des investissements étrangers (qui est de l’ordre de 2.000 millions de dinars par an). Les non-Tunisiens ne sont pas autorisés à posséder des terres agricoles, mais ils peuvent contribuer au capital des sociétés tunisiennes qui louent des terres agricoles appartenant à l’État.

En 2016, le gouvernement et ses experts consultants ont tenté de contourner cette interdiction en recommandant un paragraphe dans le nouveau code des investissements qui permettrait aux étrangers de détenir des parts dans des sociétés tunisiennes qui possèdent et exploitent des terres agricoles. Cependant, la diffusion de la nouvelle auprès de l’opinion publique a contraint le gouvernement à faire marche arrière.

L’agriculture tunisienne est aujourd’hui confrontée à des questions et des enjeux majeurs : comment rendre ce secteur «attractif et séduisant» pour les jeunes ? Comment augmenter la production sans épuiser les terres, tout en préservant les ressources naturelles limitées ? Qu’est-ce qui est le plus important : les devises fortes ou la sécurité alimentaire, les investissements ou la souveraineté nationale? N’est-il pas temps de procéder à une «réforme agricole» totale qui pourrait sortir des centaines de milliers de Tunisiens de la pauvreté et augmenter la production agricole en Tunisie ?

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