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Un transgenre tunisien privé de changer de statut civil : les dessous de l'affaire

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Un transgenre tunisien priv de changer de statut civil : les dessous de l’affaire

 

Le Tribunal de première instance de Tunis a rejeté la demande déposée par Ahmed El Tounsi, un jeune tunisien transgenre âgé d’une trentaine d’années, qui souhaitait changer officiellement son statut civil de féminin à masculin, ainsi que son nom de Sarah en Ahmed.

Cette décision, basée sur l’absence d’une raison médicale concernant le changement de genre en Tunisie, soulève des questions sur les droits des personnes transgenres dans le pays.

 

Photo de Ahmed El Tounsi au début de sa transition

 

Photo de Ahmed El Tounsi au cours de sa transition

La demande d’Ahmed El Tounsi a été déposée en janvier 2023, dans l’espoir d’obtenir légalement la reconnaissance de son identité de genre. Cependant, le tribunal a estimé que cette demande ne pouvait être traitée comme une affaire de changement de genre, faute de cadre juridique approprié. L’affaire a ensuite été qualifiée de divorce, puis d’affaire de filiation par la cour, ce qui a profondément déçu Ahmed.

« J’étais choqué et déçu par la décision du juge, je vais faire appel, je suis Ahmed et je suis un homme ! »

Le déroulement des procédures

 

Pour étayer sa demande, Ahmed El Tounsi avait présenté une attestation médicale délivré par un psychiatre spécialisé dans les questions de genre, confirmant qu’il souffrait de dysphorie de genre et qu’il s’identifiait comme un homme transgenre : « J’ai présenté une attestation médicale qui prouve que je suis un homme transgenre, mais la juge n’a pas voulu prendre en considération ma situation. Je désire quitter le pays face à cette injustice », témoigne Ahmed à BN Check.  

Ahmed qui a déjà subi des traitements hormonaux et des opérations chirurgicales afin d’acquérir les caractéristiques anatomophysiques du sexe masculin, s’est vu refuser le changement d’état civil en raison de divers motifs liés à l’ordre public, aux prescriptions religieuses et à la morale.

Mais, cette preuve médicale n’a pas suffi à convaincre la justice tunisienne, qui exige une réglementation claire pour reconnaître légalement le changement de genre (correction d’une erreur matérielle survenue au moment de l’établissement de l’état civil de la personne à la naissance, une ambiguïté rendant impossible l’identification correcte du sexe du nouveau-né ou bien une mutation sexuelle spontanée). Ainsi, la loi tunisienne refuse toujours ce droit aux personnes nées cisgenres et qui opèrent une transition par choix.

L’attestation médicale de Ahmed qui prouve sa dyphorie de genre

La loi n°1957-3 de 1957 qui régit l’état civil en Tunisie, présente un vide législatif dans le droit tunisien. En effet, la loi de 1957 est la seule à aborder la question de l’identité de la personne, mais elle traite le sujet du sexe de manière extrêmement limitée. Elle se contente simplement de classer les nouveau-nés dans les catégories traditionnellement reconnues, à savoir masculin ou féminin, sans prendre en compte la possibilité d’une éventuelle ambiguïté sexuelle à la naissance.

Cette loi de 1957 qui réglementant l’état civil prévoit dans son article 26 que : « L’acte de naissance énoncera le jour, l’heure et le lieu de la naissance, le sexe de l’enfant et les nom et prénom qui lui seront donnés […] ». Cependant il n’existe pas d’autre précision ou une definition du mot « sexe ».

 

La loi de 1957 concernant l’état civil permet d’engager une procédure de rectification judiciaire de l’état civil, mais elle ne couvre pas la modification de la mention du sexe dans les documents d’état civil. De plus, la loi ne traite pas du cas d’un changement volontaire ou involontaire du sexe anatomique de l’individu survenu après la naissance. Dans cette situation, il ne s’agit pas d’une simple erreur matérielle concernant l’acte de naissance initial, car celui-ci a été correctement établi à l’origine. Il s’agit plutôt d’une demande de modification de l’état civil.

Dans la jurisprudence tunisienne, il existe deux affaires sur le cas de changement de sexe, relève une étude effectuée par l’Association tunisienne de défense des libertés individuelles (ATDLI). La première concerne les cas de mutation sexuelle spontanée survenue naturellement chez une personne transgenre, notamment les personnes intersexuées ou hermaphrodites. La seconde catégorie comprend les affaires où le changement de sexe volontaire a été effectué ou finalisé par voie chirurgicale ou médicale.

Pour ce qui est de la mutation sexuelle spontanée naturelle, il est clair que les tribunaux accueillent favorablement les demandes de modification du sexe légal après une mutation du sexe biologique. Les juges se montrent extrêmement vigilants à cet égard. Ils s’efforcent de vérifier que le changement de sexe s’est produit de manière totalement naturelle et indépendante, échappant à la volonté de l’individu. Les interventions chirurgicales ou les traitements médicaux sont considérés avec une grande prudence. Si la personne a eu recours à de telles procédures, cela doit être justifié par une nécessité vitale, dans un but curatif et non dans le but de modifier le sexe initial.

Quant aux cas de changement de sexe volontaire réalisés ou finalisés par voie chirurgicale ou médicale, ils constituent la deuxième catégorie. Dans ces affaires, les décisions varient en fonction des circonstances spécifiques et c’est essentiellement un refus qui attend le demandeur.

 

La décision du tribunal a suscité une vive réaction au sein de la communauté LGBTQ+ en Tunisie et chez les défenseurs des droits humains. De nombreux militants soulignent que le rejet de la demande d’Ahmed El Tounsi souligne le besoin urgent d’une législation adaptée pour protéger les droits des personnes transgenres dans le pays.

En droit tunisien, il n’existe aucune possibilité de modifier le sexe anatomique, même dans le cas où une personne souffrirait de dysphorie de genre. Le principe d’indisponibilité du corps prévaut sur celui de la libre disposition de soi. Pour rappel, la constitution tunisienne dispose dans son article 22 que « L’État garantit aux citoyens et aux citoyennes les libertés et les droits individuels et collectifs. Il leur assure les conditions d’une vie digne », l’article 23 ajoute que « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans aucune discrimination », mais cet article ne suffit pas pour changer de genre qui reste un droit non-acquis face à un vide juridique et aussi l’absence d’une volonté politique pour changer la situation.

Les militants des droits LGBTQ+ en Tunisie appellent à une réforme législative qui permettrait aux personnes transgenres de changer officiellement leur genre et leur nom, en s’appuyant sur des critères médicaux et psychologiques. Ils demandent également une meilleure sensibilisation de la société afin de favoriser une plus grande compréhension et acceptation des personnes transgenres.

Rabeb Aloui

 

 

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