Economie tunisie

Tribune – Vers une meilleure structuration des marchés publics d’études en Tunisie : Un impératif de qualité et d’équité pour l’ensemble de l’écosystème

Par Mohamed Ali RAGOUBI, géographe-urbaniste

Le secteur des marchés publics d’études en Tunisie fait face à des défis importants concernant la valorisation des experts. Actuellement, les honoraires des experts tunisiens sont souvent impactés par un manque de clarté réglementaire. Les marges de profit des bureaux d’études, par exemple, ne sont pas toujours prédéfinies, ce qui peut entraîner des ajustements sur les montants alloués aux experts. On observe également une grande variabilité des honoraires d’un marché à l’autre. Il est essentiel que l’administration s’assure que les experts sont rémunérés équitablement, sans subir d’abus de la part de certains bureaux d’études, une pratique malheureusement trop répandue.

Le décret n° 1039 de 2014, qui régit ces marchés, devrait être révisé pour intégrer des principes de transparence et de juste rémunération. L’administration a un rôle clé à jouer pour faire respecter ces droits et garantir la qualité des missions. Ces ajustements ne bénéficieront pas seulement aux experts, mais aussi aux bureaux d’études eux-mêmes en instaurant un cadre plus stable et prévisible. Une meilleure structuration favorisera également l’économie nationale et la réussite des projets nationaux en garantissant des compétences bien valorisées et motivées.

Encadrer les remplacements d’experts pour plus de sécurité juridique

Les règles actuelles concernant le remplacement des experts dans un marché public sont trop générales. La notion de « cas extrêmes » qui permet ces substitutions doit être définie de manière beaucoup plus précise pour éviter les interprétations abusives et mieux protéger l’expert, dont l’expertise a souvent été décisive pour l’attribution du marché. Un « cas extrême » devrait être limité à des situations imprévisibles, irrémédiables et vérifiables, telles que le décès de l’expert, une incapacité physique ou mentale permanente avérée (attestée par un certificat médical indépendant), un cas de force majeure prouvé (comme une catastrophe naturelle ou une interdiction de déplacement majeure), ou la révocation officielle de son habilitation professionnelle. 

Toute demande de remplacement devrait suivre une procédure stricte. Cela inclurait une notification écrite et motivée du bureau d’études, un droit de réponse pour l’expert (par exemple, dans les 7 jours ouvrables), une décision motivée de l’administration, la validation des qualifications équivalentes du nouvel expert et l’application de sanctions en cas de substitution abusive. Un encadrement plus clair et plus strict de cette procédure profiterait également aux bureaux d’études, en limitant les contentieux, en sécurisant les relations contractuelles et en favorisant une meilleure planification des équipes et des missions.

Recommandations pour des contrats plus équitables et une administration engagée

Pour améliorer l’équité et la transparence, plusieurs mesures sont essentielles : il est crucial de normaliser les honoraires en établissant des grilles plus cohérentes pour éviter les disparités actuelles d’un marché à l’autre. Il faut aussi encadrer les marges bénéficiaires des entreprises soumissionnaires en les rendant plus visibles dans leurs offres. La répartition des coûts doit être clarifiée, en distinguant clairement les coûts de gestion et logistiques des honoraires des experts, et la transparence des honoraires des experts doit être assurée, les bureaux d’études s’engageant à obtenir l’accord écrit de l’expert avant d’appliquer leur marge.

La nominalisation des experts dans l’ordre de service est primordiale, leurs noms devant figurer explicitement puisque leur choix est un critère central d’attribution des marchés. Enfin, il est impératif de protéger les données personnelles des experts en conditionnant l’utilisation de leurs diplômes et références professionnelles à leur accord écrit et spécifique, renouvelé pour chaque nouvelle soumission à un marché. Ces mesures visent à stabiliser la rémunération des experts et à renforcer leur position. Leur expertise est un atout stratégique pour nos projets publics, et l’administration est invitée à agir avec détermination pour mettre en œuvre ces ajustements, garantissant ainsi un environnement de travail plus juste et plus efficace.

Pour un cadre légal adapté aux urbanistes indépendants

En tant qu’urbaniste ayant une formation en géographie et une spécialisation en urbanisme, je souligne l’importance de créer un cadre légal spécifique pour les experts indépendants en urbanisme. Le décret n° 79-383 du 27 avril 1979, qui régit le statut des urbanistes de l’Etat, ne s’applique pas aux professionnels indépendants, en particulier ceux qui ne sont pas rattachés à un ordre professionnel déjà structuré comme les architectes ou les ingénieurs.

Un tel cadre permettrait de clarifier leurs missions, responsabilités et conditions d’exercice, contribuant ainsi à une pratique professionnelle plus structurée et équitable au service du développement urbain de la Tunisie. Cette initiative profiterait à l’ensemble du secteur, en améliorant la clarté et la reconnaissance des compétences, bénéficiant tant aux experts qu’aux bureaux d’études et, in fine, à l’économie et aux projets nationaux.

M.A.R.

 

N.B. : L’opinion émise dans cette tribune n’engage que son auteur.
Elle est l’expression d’un point de vue personnel.


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