STB Bank : La Tunisie se prépare à verdir son économie

Les entreprises tunisiennes n’ont plus de choix : elles doivent amorcer une véritable transition vers la décarbonation. C’est dans cette optique que la STB Bank a organisé le Green Value Forum, un événement visant à sensibiliser les acteurs économiques aux enjeux du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (Macf), tout en mettant en lumière les solutions locales d’accompagnement.
La Presse — La STB Bank a récemment organisé le Green Value Forum, un événement inédit de sensibilisation dédié à la transition bas carbone et à la compétitivité des entreprises tunisiennes. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie RSE de la banque, qui s’engage activement à accompagner ses clients et partenaires face aux nouveaux défis réglementaires européens, notamment le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (Macf).
L’objectif de cette rencontre était double : informer les entreprises sur les enjeux du Macf et ses impacts potentiels sur l’export, tout en mettant en lumière les solutions d’accompagnement disponibles ainsi que les innovations tunisiennes en matière de transition bas carbone.
Dans ce cadre, Noureddine Hajjaji, expert senior chez Green Footprint Consulting, spécialiste des bilans carbones et des études d’empreinte selon les normes ISO 14064, ISO 14067 et ISO 14040-44, a souligné les nombreux défis auxquels font face les entreprises tunisiennes exportatrices.
Il a expliqué que l’absence d’un cadre réglementaire national contraignant en matière de comptabilité carbone complique considérablement la mise en conformité. La majorité des entreprises ne disposent pas encore de systèmes fiables pour mesurer et tracer leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), ce qui les expose à l’application de valeurs par défaut souvent pénalisantes dans le cadre du Macf.
La collecte, la vérification et la certification des données représentent un coût élevé, particulièrement lourd pour les PME industrielles. À cela s’ajoutent la complexité administrative du dispositif européen, l’obligation d’enregistrement dans un registre spécifique et le reporting trimestriel, autant de contraintes qui accentuent la pression.
De plus, la méconnaissance du mécanisme et le manque de formation interne freinent l’adoption des bonnes pratiques. Les secteurs les plus exposés sont notamment le ciment, l’acier, l’aluminium, les engrais et certains produits chimiques. Sans accompagnement technique et financier, ces industries risquent de voir leurs exportations lourdement taxées, voire exclues du marché européen.
Toutefois, des opportunités existent à travers des dispositifs de soutien comme ceux proposés par l’Anme ou le Fonds de transition énergétique. Les entreprises proactives peuvent ainsi transformer cette contrainte en avantage stratégique, en valorisant une production plus respectueuse de l’environnement.
Pour Hajjaji, le défi est autant technique qu’organisationnel et stratégique. En s’alignant dès maintenant sur les exigences du Macf, les exportateurs tunisiens peuvent non seulement sécuriser leurs parts de marché en Europe, mais aussi amorcer une transition bas carbone durable.
Selon lui, pour rester compétitives, les entreprises tunisiennes doivent adopter des technologies plus propres, améliorer leur efficacité énergétique et réduire leurs émissions à la source. Parallèlement, elles sont appelées à développer un reporting extrafinancier conforme aux standards internationaux (GRI, Csrd, Tcfd), permettant de valoriser leurs efforts environnementaux auprès des partenaires, investisseurs et régulateurs. Ce virage stratégique n’est plus une option, mais une condition de survie économique dans un contexte de mondialisation des normes environnementales.
Noureddine Hajjaji a également précisé qu’en intégrant une comptabilité carbone à leur stratégie, les entreprises peuvent réduire leurs coûts, anticiper les taxes carbones telles que le Macf, accéder à des financements verts, et répondre aux exigences croissantes des clients et des marchés publics.
Cette comptabilité devient un véritable levier de différenciation commerciale, en valorisant des produits ou services à faible impact environnemental. Elle n’est donc plus perçue comme un fardeau, mais comme un outil de pilotage stratégique pour bâtir une entreprise plus résiliente et compétitive, alignée sur les impératifs de la transition écologique.
De son côté, Mohamed Ouerthi, Managing Partner d’une société spécialisée dans les énergies renouvelables et les infrastructures électriques, a partagé les principaux axes de sa présentation lors du forum, intitulé «Transformer la contrainte carbone en opportunité».
Il a d’abord mis en relief la baisse significative du coût des installations solaires, passé de 5310 $/kW en 2010 à 758 $/kW en 2023, ainsi que l’amélioration de l’efficacité des panneaux photovoltaïques, qui dépasse désormais les 20 %. Le coût actualisé de l’électricité (Lcoe) se situe aujourd’hui entre 5 et 7 cents/kWh.
En Tunisie, le potentiel solaire est estimé à plus de 50 GW, avec une irradiation particulièrement élevée dans le sud du pays, dépassant les 2800 kWh/m²/an. La stratégie nationale vise à porter la part des énergies renouvelables à 30 % dans le mix électrique d’ici à 2030. Pourtant, ce mix reste aujourd’hui dominé à 97% par le gaz naturel, avec une part encore très faible pour le solaire (<1%) et l’éolien (~3 %). D’où l’urgence d’accélérer la transition vers un modèle énergétique bas carbone.
Mohamed Ouerthi a rappelé que le cadre réglementaire actuel repose sur trois régimes: autoconsommation, autorisation et concession et permet désormais la vente d’électricité à la Steg ou son exportation. Des réformes récentes facilitent aussi l’autoproduction et renforcent le rôle du secteur privé.
Il a conclu en soulignant que la Tunisie dispose de tous les atouts pour devenir un hub régional des énergies renouvelables : un fort potentiel solaire, un cadre en évolution, et un positionnement géostratégique favorable. À condition toutefois de transformer les contraintes réglementaires, techniques et financières en leviers de développement durable et d’attractivité pour les investisseurs. Des acteurs comme EnerNetPro, a-t-il affirmé, ont un rôle central à jouer dans cette dynamique.
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