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Reportage : la galère des taxis à la frontière syro-libanaise

 

Masnaa, Liban

Depuis octobre, Fadi Slika, un chauffeur de taxi, est bloqué dans un no man’s land à la frontière libano-syrienne où il transporte désormais des voyageurs entre deux énormes cratères causés par des frappes israéliennes.

« Ma voiture est coincée entre deux cratères : je ne peux aller ni au Liban ni en Syrie. Pendant ce temps, nous sommes sous la menace de bombardements (israéliens) », explique à l’AFP cet homme de 56 ans.

Son taxi fait partie des quelques véhicules prenant des passagers entre les deux cratères, distants de deux km et qui obstruent quasiment toute la route, bloquant le passage des véhicules au poste-frontière de Masnaa, au Liban.

« Je travaille et je dors ici, entre les deux trous », ajoute l’homme à la Toyota grise, sa seule source de revenus. Pour se protéger du froid, ce Syro-Libanais a recouvert les sièges arrière du véhicule avec une couverture.

Avant d’être immobilisé, M. Slika gagnait environ cent dollars (315 dinars) par trajet entre Beyrouth et Damas.

Alors que le trajet d’un cratère à l’autre coûte en moyenne 5,50 dollars (17 dinars), il fait payer un peu plus, un maigre revenu dont il a été privé une dizaine de jours lorsque sa voiture était en panne, avant d’être réparée.

 

Comme des frères

Le 23 septembre, l’armée israélienne a débuté une vaste campagne de bombardements au Liban, avant d’envoyer des troupes au sol, pour combattre le mouvement pro-iranien Hezbollah qui avait ouvert un front contre Israël près d’un an plus tôt en soutien à son allié palestinien, le Hamas, dans le cadre de la guerre à Gaza.

Accusant le Hezbollah de faire entrer des armes au Liban depuis la Syrie, Israël a bombardé plusieurs points de passage, alors que de nombreux civils les utilisaient pour fuir la guerre au Liban.

Depuis l’escalade, plus de 610.000 personnes ont traversé la frontière du Liban vers la Syrie, en majorité des Syriens, selon les autorités libanaises.

Malgré les bombardements, des voyageurs continuent d’affluer au poste-frontière de Masnaa, traînant leurs valises dans les deux cratères d’environ 10 mètres de profondeur et trente mètres de large.

Khaled Khatib, un chauffeur de taxi de 46 ans, se trouve lui aussi coincé dans ce no man’s land.

 

« Après la première frappe (…) j’ai stoppé ma voiture devant le cratère. Quand la deuxième frappe a eu lieu, je me suis retrouvé coincé entre les deux trous », a-t-il raconté à l’AFP, le visage perlé de sueur.

« Avant, nous transportions des gens de Damas à Beyrouth, maintenant nous les emmenons d’un cratère à l’autre ».

M. Khatib dit ne pas faire payer les passagers qui n’en ont pas les moyens, ajoutant qu’il avait lui-même été déplacé de la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah pilonné par l’aviation israélienne.

Malgré les épreuves, un esprit de camaraderie règne dans cette aire de repos improvisée.

« Les chauffeurs sont devenus comme des frères. On mange ensemble tous les jours (…) et on s’aide à réparer nos voitures », confie-t-il.

 

Aider les gens

Après les frappes ayant creusé les cratères, Mohamed Yassine, quant à lui, a déplacé son petit café, qui était au poste-frontière de Masnaa, plus près d’un des cratères, proposant petit-déjeuner, déjeuner et café. « Nous essayons d’aider les gens autant que possible », dit-il.

Un peu plus loin, des voyageurs traversent le plus grand des cratères, transportant des valises, leurs chaussures protégées par des sacs en plastique en raison de la boue.

« Taxi pour Damas ! », crie un chauffeur de taxi depuis un monticule, tandis que des tuk-tuks et un camion chargé de matelas, de sacs et de passagers arrivent sur place.

Non loin de là, Aida Awda Moubarak, une Syrienne mère de six enfants, négocie un prix avec un conducteur de tuk-tuk, des véhicules qui peuvent plus facilement contourner les cratères que les taxis.

Cette femme de 52 ans explique qu’elle veut se rendre au Liban pour voir son fils après que la ville de l’est du pays où il vit a été frappée par des frappes israéliennes.

« Parfois, nous n’avons tout simplement pas les moyens de payer un tuk-tuk ou un taxi », dit-elle.

 

Aya Iskandarani – AFP –

Photo : AFP

 


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