Mes Humeurs : Un écrivain battant

Demain, dimanche 4 mai, se clôt la 39e session de la Foire internationale du livre de Tunis, le citoyen curieux a eu son compte de livres, de découvertes, de rencontres et de débats, le bilan de la fréquentation, les chiffres de vente, les succès et les manques seront publiés après la fermeture.
Cette Humeur reste dans l’univers de la lecture; elle se penche sur un ouvrage d’un auteur singulier qui nous vient de loin, Patrick Chamoiseau, son dernier ouvrage « Que peut la Littérature quand elle ne peut ? (Seuil) », prend un élan et une diffusion intéressante, l’auteur est invité sur beaucoup de chaînes télé pour promouvoir son dernier bébé. Il faut dire que son langage plait, ses images sont fortes, authentiques et profondément humaines, il est, comme on dit, « un bon client » pour les médias.
Il y a quelque temps, il était invité à l’Institut français de Tunis (IFT). Salle bondée, beaucoup de jeunes (bonne nouvelle); l’auteur, Martiniquais, qu’un spectateur a coiffé d’une chéchia, pendant la séance, est une figure phare de la créolité, il a obtenu le Goncourt en 1992 pour son roman « Texaco, Gallimard », mais, il reste un peu moins connu du grand public que ses aînés Aimé Césaire et Edouard Glissant. Dans son dernier opus, Chamoiseau opte pour une littérature plus ouverte et appelle à réinventer les liens entre la France et ses anciennes colonies.
Conteur magnifique, Chamoiseau se définit comme un être « habité par l’état poétique », ce septuagénaire, apparemment toujours jeune, questionne sans cesse la réalité de son époque qu’il regarde en face et décortique avec l’œil de celui qui voit plus loin que le citoyen ordinaire, il souffre avec les opprimés, compatit avec les hommes qu’on spolie de leur terre, sur les Palestiniens, il dit « Je parlerai donc, ici, des littératures, mais en présence de la situation française; et en ample proximité avec les Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie… » et dénonce les dysfonctionnements de la politique et les tenants des pouvoirs. Chamoiseau tire sur tout ce qui ne va pas dans ce monde sans âme; sont cités, sans ordre défini, les peuples en souffrance, en danger de mort, en haut du pavé, on trouve « les Tibétains et des Ouïghours en Chine, des Rohingyas en Birmanie, des Tutsis au Burundi et au Rwanda, des Kurdes en Syrie, en Irak, en Turquie, des Peuples originels dans les Amériques et dans leurs archipels »… tous ceux-là, en souffrance, en danger, et tant d’autres !Haïtiens abandonnés, Syriens oubliés, Libanais délaissés, musulmans stigmatisés, Africains exploités, Kanaks dépouillés, Mahorais emportés dans une dés-archipélisation macabre, Antillais et Guyanais noyés dans l’étouffoir d’un « outre-mer » français où les vestiges coloniaux insultent ce qui subsiste de la vieille République.
L’écriture de Chamoiseau est reconnaissable grâce à l’introduction de termes-concepts nouveaux, extraits de l’évolution de la société ( mondiale ou mondialisée), il remplace le mot « créolité » qu’il estime figé, sans action par « créolisation », à la « mondialisation » il invente « la mondialité », plus humaine ; ses écrits sont « des organismes narratifs », etc.
Fils spirituel d’Edouard Glissant, admirateur d’Edgar Morin, Chamoiseau, en théoricien de la Créolité, chante dans ses écrits « les cultures composites », la lecture de ses romans invite à prendre le pouls de la tragédie humaine.
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