Mes Humeurs : « Il fait beau, allons au cimetière »

La Presse — Les collectifs, les associations et autres organisations civils se comptent par dizaines, ils sont nécessaires au développement de la cité et incarnent la santé de la société. Beaucoup sont actifs durant toute l’année, d’autres le sont moins ; notons au passage qu’ils effectuent un travail extraordinaire ; ce n’est pas dans nos habitudes ici de privilégier des actions par rapport à d’autres ; mais quand l’une d’elles nous paraît originale, on ne manque pas de la mentionner. Aujourd’hui samedi et demain, le collectif Un Dimanche à Carthage, très visible sur les réseaux sociaux, organise en collaboration avec les municipalités de Carthage et La Goulette-Le Kram, un week-end de nettoyage des cimetières de la région. Admirable initiative !
C’est une belle occasion pour évoquer l’habitat des morts, lequel à mon sens reflète l’esprit des vivants. Il m’arrive souvent, à l’occasion des enterrements, d’échanger quelques vues sur l’état lamentable des tombes et de leur environnement. Le constat est désolant.
Depuis quelques années, j’ai pris l’habitude d’aller rendre visite aux disparus qui me sont chers, dans le but de revivre des souvenirs, une certaine nostalgie et d’apprécier la qualité du silence qui nous manque; dommage qu’à chaque fois, j’éprouve le même sentiment d’amertume de voir le cimetière envahi par les mauvaises herbes, sans compter les bouteilles et les papiers abandonnés ça et là.
Récemment à l’émission culturelle La Grande Librairie (la 5), j’ai retenu une phrase du poète Pierre Bergounioux : «Rien n’est plus beau qu’une poignée de mots pour rassembler les vivants et les morts». Comment trouver le repos nécessaire pour trouver les mots apaisants dans un climat pour le moins désagréable ? En nettoyant nos cimetières, notamment.
Des cimetières, j’en ai visité, des petits discrets et coquets, des gigantesques où l’on se perd entre les grandes tombes, des rustiques romantiques; me reviennent les images renversantes de calme, de sérénité dans ce beau cimetière d’Antalya (ville touristique au sud-ouest de la Turquie), des portes d’entrée en fer forgé, de larges allées d’une propreté sans reproche, de gros arbres et des rosiers protègent du soleil, des bancs confortables où des mamies papotent en gardant un œil sur les enfants qui jouent entre les arbres. Un autre souvenir bouleversant : au cimetière de Montparnasse à Paris, une assemblée d’adolescentes autour de la tombe de Serge Gainsbourg, déposant des choux (un clin d’œil aux grosses oreilles du chanteur). En Italie, les statues grandeur nature au cimetière de Gênes, ou l’admirable cimetière de Sète chanté par Valéry ( le cimetière marin), etc.
C’est le printemps, le collectif Un dimanche à Carthage, dont l’un des objectifs consiste à faire profiter les citoyens d’un environnement propre, appelle les habitants de la région à participer à son action, du week-end.
Notre vœu est qu’il fasse beau, une occasion pour suivre les pas de l’écrivain Emmanuel Berl, qui disait «il fait beau, allons au cimetière»
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