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Les grandes réformes — Mode d’emploi: Vers un nouveau modèle de développement

Le modèle de développement qui prévalait pendant des décennies est à bout de souffle. À quelle école de pensée appartient notre modèle de développement hybride et disparate, et somme toute, peu structuré ?

L’économiste Aram Belhadj, contacté par La Presse, fait état d’un modèle de développement aujourd’hui vétuste et archaïque. En témoigne la dépendance du pays aggravée par la multiplication des crises économique et sanitaire  et conjuguées aux tensions géopolitiques secouant le monde.  Le principal indicateur, parmi tant d’autres, suffit pour se rendre compte de l’inefficacité du modèle de développement tunisien qui n’est autre que la dépendance vis-à-vis des importations alimentaires, met en garde l’économiste.

« Pour l’année 2022, par exemple, la balance commerciale alimentaire a enregistré un déficit de 2.920,2 MD, contre un déficit de 1.942,1 MD l’année précédente, enregistrant, un taux de couverture de 67,4% en 2022, contre 70,2% en 2021 », explique-t-il. À l’origine du mal, une production nationale de céréales qui ne couvre que 56% de la demande en blé dur (semoule, couscous et pâtes), 4% de la demande en blé tendre (farine et pain) et 14% de la demande en orge et triticale (principalement destinés à l’alimentation du bétail), détaille l’universitaire.

La pandémie du Covid-19 et la guerre en Ukraine, poursuit-il, ont mis à mal la sécurité alimentaire et ont fait ressurgir dans le débat public les concepts de souveraineté, d’autonomie et de résilience.

L’autre indicateur non moins important concerne les énergies. D’autant qu’en 2022, le déficit de la balance commerciale énergétique s’est creusé de 72%, passant de 5,6 milliards de TND en 2021 à 9,6 milliards TND en 2022, en tenant compte de la redevance du gaz algérien exporté.

« Tout choc réduisant l’approvisionnement en énergie représente une menace pour la stabilité politique, économique et sociale du pays. D’où l’importance de la question de la sécurité énergétique. Il est important de mettre en lumière les facteurs menaçant la souveraineté énergétique du pays et de comprendre les sources de vulnérabilité en vue  de proposer des recommandations ciblées et pragmatiques».

En vue de garantir la souveraineté économique

L’économiste préconise des réformes structurelles pour mettre en place un nouveau modèle de développement « capable de renforcer la souveraineté économique, dans ce nouveau contexte qualifié de nouvelle globalisation». De ce point de vue, il insiste sur un certain nombre de domaines prioritaires.

Dans le domaine agricole, Aram Belhadj plaide pour une agriculture moderne, socialement et écologiquement responsable et place la technologie au service de la durabilité. Il s’agit de construire un nouveau modèle agricole qui concilie l’augmentation de la production et un usage rationnel des ressources naturelles.

Dans la même perspective, il appelle à une revalorisation du rôle de l’agriculture locale et à une construction de nouveaux rapports plus équilibrés et bénéfiques à tous, en termes de qualité des produits pour les consommateurs et de conditions de vie pour les communautés rurales. Dans le même cadre, il réitère l’urgence de protéger certaines filières stratégiques (céréales, viandes, produits laitiers, etc), en vue de renforcer la sécurité alimentaire, surtout en période de crise.

Dans le domaine industriel, l’économiste appelle à l’adoption d’une vision claire, stratégique et surtout partagée par l’ensemble des parties prenantes pour constituer le point de départ d’un renouveau industriel, favorisant le développement des secteurs à fort potentiel et le transfert technologique.

Pour une rationalisation des dépenses de fonctionnement

Dans le domaine énergétique, Belhaj plaide pour la mise en place d’une stratégie globale permettant de maîtriser la demande, de diversifier l’offre et de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés mondiaux. Favoriser la transition énergétique via l’assouplissement de la réglementation, le développement des énergies renouvelables et le renforcement de l’efficacité énergétique devient donc une urgence, d’après l’économiste.

Pour ce qui est du numérique, il va falloir, selon lui, adapter les business modèles des différents acteurs économiques, changer l’organisation de l’Etat, mais aussi engager des investissements importants en termes de connectivité, d’infrastructures réseaux et de cybersécurité. Dans le domaine monétaire et financier, il est nécessaire, d’après l’expert, de rétablir les grands équilibres macroéconomiques, afin de s’affranchir du cercle vicieux de l’endettement et de la perte d’autonomie des politiques économiques. A cet effet, une rationalisation des dépenses de fonctionnement, une révision effective du système fiscal et des entreprises publiques, des Caisses de retraites et du climat des affaires sont indispensables, insiste-t-il encore. Volet social, la question de refonte du contrat social devra être la préoccupation centrale des politiques, en s’attaquant aux problèmes de redistribution pour plus d’équité et de justice sociale, préconise notre interlocuteur. Il faut donc « réformer le système fiscal, repenser la politique de distribution des activités d’investissement et de création d’emplois, en la combinant avec une nouvelle approche d’aménagement du territoire, de décentralisation et de création de pôles régionaux économiquement viables. Ce sont des conditions sine qua non des réformes profondes dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la culture et de la recherche scientifique», conclut Aram Belhadj.

À la croisée des chemins et dans un monde de plus en plus globalisé, où les peuples et les pays émergents sont mis à rude épreuve, la Tunisie n’a pas d’autre choix que de se réformer.

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