L’entrepreneuriat dans l’économie créative: Un secteur qui ne décolle pas

La notion d’économie créative est nouvelle, peu utilisée encore dans le monde académique, mais suscite un intérêt croissant des décideurs politiques qui croient percevoir, derrière cette notion, un avenir radieux pour leur territoire. Pourtant, cette notion est floue et imprécise. Qu’est-ce que l’économie créative ? Quelles en sont les caractéristiques ? Quels secteurs d’activités participent à cette économie créative ? En quoi les secteurs dits créatifs sont-ils des avant-postes du développement économique ? La Cité de la culture de Tunis a accueilli, vendredi dernier, le Forum «Ba’der». Il s’agit d’une journée entière dédiée à l’entrepreneuriat dans l’économie créative.
Le ministère des Affaires culturelles et le Centre international de Tunis pour l’économie culturelle numérique (Ticdce) ont organisé le «Forum Ba’der», centré autour de l’économie créative et placé sous le thème «Oui, on peut se rattraper si…». La salle des jeunes créateurs à la Cité de la culture de Tunis a accueilli, à cette occasion, plusieurs panels tout au long de la journée autour de l’entrepreneuriat créatif et de ses nouveaux défis. La journée a été marquée par la présence de la ministre des Affaires culturelles, Hayet Guettat Guermazi, du ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saied, et du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) Marouane Abassi et la participation de plusieurs intervenants autour de trois grands thèmes : «l’entrepreneuriat créatif comme vecteur économique», «a-t-on un contexte économique innovant de financement et d’investissement dans un domaine innovant ?» et mécanismes d’instauration d’un modèle d’entrepreneuriat culturel et créatif».
Un secteur très prisé
en Europe
A cette occasion, Marouane Abassi a fait savoir que le gouvernement a alloué la somme de 44,8 millions de dinars afin de soutenir 646 entreprises opérant dans le secteur de l’économie créative. Il s’est référé à une étude récente E&Y France, relative à l’Union européenne (UE), le premier partenaire de la Tunisie, pour brosser le tableau de ce secteur. Il a indiqué que «643 milliards d’euros de revenu du secteur de l’industrie culturelle et créative en 2019, ce qui représente 4,4% du PIB de l’UE. Il s’agit donc d’une contribution supérieure à celle des télécoms, de la haute technologie, de l’industrie pharmaceutique ou de l’industrie automobile».
Abassi a ajouté «7,6 millions de personnes, en majorité des jeunes, travaillent dans ce secteur, plus de 30 millions dans le monde, et ce, pour 8,6 milliards d’euros d’excédent commercial. De plus, les industries culturelles et créatives sont l’un des secteurs qui s’étendent le plus rapidement au sein de l’économie mondiale, avec un effet d’entraînement sur d’autres secteurs importants comme le tourisme. La demande et la consommation des produits culturels créatifs ainsi que les services des médias croissent de manière exponentielle, portés notamment par l’importance croissante de la distribution numérique et mobile», a-t-il précisé. Mais en Tunisie, malgré tous les efforts déployés par les autorités publiques dans le cadre de la lutte contre des effets de la crise sanitaire, le secteur de l’économie culturelle et créative, qui représente un levier de croissance important, a été durement mis à l’épreuve avec des menaces sérieuses sur le devenir de l’activité culturelle et artistique, selon le gouverneur de la BCT. Des activités qui souffrent déjà de problèmes structurels graves, notamment l’absence d’industrie culturelle et d’institution spécialisée, la faiblesse, voire l’absence d’espaces culturels au niveau des régions et la modicité des ressources financières avec un budget du ministère de la Culture qui ne représente que 0,6% du budget de l’Etat en 2020-2022 ainsi que la faiblesse des initiatives du secteur privé dans son financement.
Seulement 1% au PIB
D’après les intervenants, la filière de l’industrie culturelle et créative est sous-financée ou très peu financée. De plus, le modèle actuel de ce secteur est perçu par les acteurs bancaires comme un investissement à très haut risque. «Un constat renforcé par le taux d’impayés des entreprises de la filière qui s’avère largement supérieur à la moyenne nationale», a assuré Abassi, qui a énuméré trois obstacles liés au financement du secteur. En premier lieu, les porteurs de projets culturels ou artistiques présentent souvent des demandes perçues par les banques comme n’étant pas assez structurées, sans business plan solide pour un projet viable et banquable. Ensuite, les revenus du secteur culturel ne sont pas toujours prévisibles et les conditions exigées par les banques, en tout cas celles liées aux fonds propres et aux garanties, ne sont pas adaptées à la nature de l’activité culturelle et artistique. Le dernier blocage concerne les artistes qui ne disposent pas de base suffisante pour réfléchir à leur activité en termes de stratégie financière, commerciale et marketing, ce qui ne leur permet pas de voir la réalité du marché et d’adopter la stratégie adéquate pour pérenniser leur activité en termes économique. Pour Abassi, la solution doit passer impérativement par un financement innovant comme le «crowdfunding». «Le secteur bancaire pourrait être un acteur actif et impactant dans la culture et créativité, à travers des projets de financements appropriés et adaptés. Il est également possible de parrainer et accompagner de nombreux événements culturels et artistiques», a annoncé Marouane Abassi.
Pour le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed, «le monde de la finance et de la culture peuvent être complémentaires et se renforcer mutuellement. Le secteur de l’économie créative est en train de croître rapidement, porté essentiellement par le phénomène du gaming avec toutes ses dimensions», a éclairé le ministre. Pour lui, le poids de l’industrie créative dans le monde est en moyenne de 3% du PIB. Aux Etats-Unis, il est à 7,7% du PIB alors qu’en Tunisie, il n’est que de 1% du PIB. «C’est trop peu, malgré le fait que cette industrie a été intégrée en tant qu’activité prioritaire. Ce secteur doit prendre part à la dynamique économique du pays, surtout que nous avons un talent incroyable dans ce domaine», a-t-il développé.
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