Le Prix Ibn Khaldoun 2025 : Mémoire, pensée et transmission

Le prestigieux prix international consacré à la recherche en sciences humaines et sociales revient à Tunis pour une édition 2025 d’envergure. Le Centre des Arts, de la Culture et des Lettres de Ksar Saïd accueillera la cérémonie le 27 mai, marquant une nouvelle étape dans la valorisation de l’héritage d’Ibn Khaldoun, entre ancrage local et rayonnement global.
La Presse — Le mardi 27 mai 2025, le Centre des Arts, de la Culture et des Lettres, sis au palais historique de Ksar Saïd à Tunis, accueillera la cérémonie de remise du Prix Ibn Khaldoun pour la promotion et la recherche dans les sciences humaines, une distinction qui honore les travaux intellectuels majeurs dans l’espace méditerranéen et au-delà. Cet événement revêt une portée symbolique particulière : il relie le passé savant de la région à une dynamique contemporaine de réflexion et de partage des savoirs.
Créé en 2014 à l’initiative de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de La Manouba, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de Tunisie et le réseau MED 21, ce prix s’inscrit dans une volonté claire de réhabiliter les sciences humaines et sociales comme outils fondamentaux de compréhension du monde, à l’image de l’œuvre visionnaire d’Ibn Khaldoun, figure intellectuelle emblématique de la civilisation arabo-musulmane.
Pour cette édition 2025, le jury — composé des historiens Abdelhamid Larguèche (président), Latifa Lakhdar et Faouzi Mahfoudd — a choisi de distinguer trois chercheurs dont les travaux incarnent l’esprit du prix : Karima Kim (Corée du Sud), Prix Ibn Khaldoun international, pour sa contribution à la diffusion critique de la pensée arabe classique en Asie orientale. Mehdi Kouirkat (Maroc-France), Prix Ibn Khaldoun Méditerranée, dont les recherches croisent philosophie politique et migrations dans l’espace euro-maghrébin. Et Moncef M’henna (Tunisie), Prix Ibn Khaldoun du pays hôte, pour son travail d’analyse interdisciplinaire sur l’identité culturelle tunisienne contemporaine.
Deux prix honorifiques seront également décernés à Ahmed Abdessalem et Abou el Kacem Mohamed Kerrou, pour l’ensemble de leur œuvre académique et leur rôle moteur dans le dialogue intellectuel au sein du Maghreb.
Le choix du Centre des Arts, de la Culture et des Lettres de Ksar Saïd comme lieu d’accueil marque une évolution majeure. Après avoir été hébergée pendant plusieurs années par la Bibliothèque de la Khaldounia, dans la Médina de Tunis, la cérémonie trouve cette année un nouvel écrin chargé d’histoire. Ce déplacement souligne également le rôle grandissant de la Chaire Icesco « Ibn Khaldoun pour la culture et le patrimoine », récemment installée dans ce centre, et qui joue un rôle central dans l’organisation du prix.
Rattachée à l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (Icesco), cette chaire est dédiée à l’étude, la valorisation et la diffusion de l’œuvre d’Ibn Khaldoun, notamment à travers des colloques, conférences, programmes pédagogiques et projets patrimoniaux.
Parmi les moments forts de la cérémonie : la présentation du projet d’inscription de la Muqaddima d’Ibn Khaldoun au registre de la Mémoire du Monde de l’Unesco. Ce projet ambitieux vise à faire reconnaître l’œuvre comme patrimoine intellectuel universel, en s’appuyant sur un réseau international d’universitaires, d’archivistes et de traducteurs.
« Ce que nous proposons, c’est une inscription conjointe, portée par tous les pays qui conservent des manuscrits, ont traduit ou analysé cette œuvre fondamentale », explique l’un des membres du collectif. L’objectif : faire de la pensée d’Ibn Khaldoun un bien commun, un outil de lecture du monde au-delà des frontières et des identités.
Ce prix s’inscrit dans le cadre du programme MED 21, un réseau lancé à Rome en 2010, qui regroupe aujourd’hui 22 distinctions couvrant des champs aussi variés que la philosophie, les sciences, l’architecture, la musique ou la littérature. À travers une logique trinitaire (un lauréat du nord, un du sud, un du reste du monde), ces prix encouragent l’excellence académique et la coopération culturelle.
Les Prix MED 21 sont aujourd’hui présents dans dix pays méditerranéens, avec des cérémonies organisées dans des villes symboliques, telles qu’Istanbul, Palerme, Casablanca, Marseille ou Belgrade. Leur objectif : construire une mémoire méditerranéenne partagée, où l’intelligence, l’art et la recherche deviennent des vecteurs de paix et de dialogue.
Au-delà de la remise de prix, cet événement incarne la vitalité du débat intellectuel tunisien, et plus largement, le rôle crucial de la Tunisie dans la promotion d’une culture méditerranéenne ouverte, critique et enracinée dans ses héritages multiples.
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