Le poignant témoignage de la s'ur de Sonia Dahmani

Ramla Dahmani, sœur de Sonia Dahmani a publié, mardi 23 juillet 2024, un long statut, après une visite familiale rendue à sa sœur en prison. 

Le Tribunal de première instance de Tunis avait condamné, le 6 juillet 2024, Sonia Dahmani jugeant que son commentaire “Heyla leblad” est une “rumeur et une fausse information”. L’avocate et chroniqueuse avait été condamnée à un an de prison ferme. Elle avait été traduite conformément aux dispositions de l’article 24 du décret 54.

Dans son témoignage, Ramla Dahmani indique en substance: 

« Hier, j’ai emmené papa et maman voir Sonia. Ce fut un moment d’une intensité bouleversante, un mélange de tendresse et de colère brûlante. Sonia, rayonnante de combativité, était en forme. Quand elle nous a vus, son visage s’est illuminé, sa joie et sa détermination brillaient comme jamais.

Pour mes parents, c’était un instant poignant. Ma mère a enfin pu revoir sa fille après des mois de séparation. Les larmes ont coulé, mais Sonia, avec sa force habituelle, a dit à maman : « Sois forte, pas de larmes, ils ne méritent pas nos larmes. » Dans cette froide prison, l’amour et la tendresse ont empli l’espace.

Elle nous a parlé de sa vie à l’intérieur, de la chaleur étouffante quand il fait 50 degrés dans sa cellule. À partir de 17 heures, les portes se ferment et le bruit des clés résonne, marquant la fin de son peu de liberté,l’entrée dans l’enfer absolu

Malgré tout ça, malgré l’injustice, Sonia refuse de se laisser briser. Elle continue de se battre, déterminée à prouver son innocence et à revendiquer sa liberté. Ses confrères avocats, par leurs visites, leur soutien et leur empathie, lui redonnent une force et un moral d’acier. Leur amour et leur soutien l’entourent, lui donnent des ailes, et elle est déterminée à supporter stoïquement ce qui lui arrive.

Comment maintenir la dignité humaine quand les fouilles corporelles deviennent une routine humiliante, quand les besoins les plus basiques deviennent des privilèges inaccessibles ? La vie lui manque cruellement, ouvrir une porte, prendre une douche, se faire un café. Sonia nous a confié qu’elle ne pense pas finir en enfer parce qu’elle vit déjà l’enfer sur terre. Mais la prison ne détruit pas les âmes fortes; elle ne fait que les renforcer. La prison crée les résistants. Sonia n’a jamais cherché à se faire passer pour une résistante; c’était une avocate et une chroniqueuse qui faisait son métier avec passion et sincérité, avec l’envie de dénoncer les injustices. Ils en ont fait une icône, alimentant encore plus sa soif de justice et de liberté pour tous.

Malgré tout ce qu’elle traverse,Sonia a passé beaucoup de temps à nous parler de ses codétenus, de leurs problèmes, cherchant des solutions pour les aider. Son empathie et son désir de faire une différence, même dans cet enfer, sont incroyables.

Quand on t’enlève tout et qu’on te donne des miettes, tu es d’abord heureux d’avoir ces miettes. Mais tu réalises vite qu’il n’y a aucune raison pour qu’on t’ait tout pris alors que tu es innocent. Sonia ne mérite pas cette injustice. Elle est innocente, et pourtant, on l’a dépouillée de sa liberté, de ses droits, de sa dignité.

Je suis remplie d’admiration pour elle. Son courage, sa force, sa résilience sont des phares dans cette obscurité. Mon amour pour elle est infini. Nous étions tous les quatre réunis dans cette prison, et l’amour qui nous liait était palpable, presque tangible. La tendresse circulait entre nous, nous rappelant que, malgré tout, nous restons une famille unie et indestructible.

Sonia est forte, belle, et reste combattante. Malgré tout, son cœur se brise pour sa fille Nour, qui lui manque terriblement. Sa colère est immense de s’être vue voler ces mois précieux et irremplaçables pour elle et pour sa fille. Cette rage, cette injustice alimentent sa détermination à se battre. Sonia, je t’aime. Tu es une inspiration, un exemple de bravoure. Nous ne cesserons jamais de nous battre pour toi, de revendiquer ta liberté et de dénoncer cette injustice qui t’enchaîne.

Tout l’amour de maman, de papa, de Mehdi, de Belhassen et mon amour pour toi sont incommensurables.Tu es notre lumière, notre héroïne. La liberté et la justice triompheront, et nous serons là pour toi, chaque jour, chaque instant. »

Pour rappel, les forces de l’ordre avaient pris d’assaut, le 11 mai 2024, les locaux de la Maison de l’avocat de Tunis où s’était réfugiée l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani après avoir fait l’objet d’un mandat d’amener à la suite d’une déclaration médiatique. Les policiers s’étaient introduits à l’intérieur des locaux de l’Ordre des avocats afin de l’embarquer.

Sur Carthage+, Sonia Dahmani avait réagi aux théories de grand remplacement et de changement de la composition démographique de la Tunisie par des migrants subsahariens qui seraient là pour s’établir selon un plan ourdi par des forces étrangères. Face à ces propos, l’avocate avait affirmé qu’il n’y avait pas de complot, que les migrants voulaient juste traverser vers l’Europe et qu’il ne faisait pas bon vivre en Tunisie actuellement. Il n’en fallait pas moins pour qu’une cabale haineuse soit lancée contre la dame sur les réseaux sociaux, suivie par la convocation puis la condamnation.

S.H