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La recette d'une Télévision nationale au goût de Kaïs Saïed


A l’occasion de son entretien avec la cheffe du gouvernement Najla Bouden, le président de la République, Kaïs Saïd nous a encore une fois fait vivre un pur moment de raillerie et d’amusement. 

 

Alors qu’il s’était attaqué, durant les précédents discours, aux médias en les accusant de corruption et de manœuvrer contre l’intérêt du peuple et du pays, le président a précisé qu’il ne suivait pas vraiment les médias et qu’il n’était pas présent sur les réseaux sociaux. Fidèle à ses déclarations contradictoires, haussant le temps et agitant ses mains, Kaïs Saïed a affirmé qu’il était conscient des tentatives de manipulation du peuple à travers certaines émissions. « Je connais très bien l’identité des individus diffusant des programmes dans le but de nous faire revivre le passé », s’est-il exclamé.

Le chef de l’Etat a, également, tenu à féliciter « l’attitude exemplaire » de quelques journalistes et invités notamment ceux de la Télévision nationale. « Elle se doit d’être patriotique ! Elle se doit d’être patriotique ! », a-t-il insisté. Le seul média ayant réussi à séduire Kaïs Saïed serait, donc, la Télévision nationale, qui devrait à mon humble avis être rebaptisée « Tunisie 25 ». D’ailleurs, rappelons à ce sujet que le président de Syndicat nationale des journalistes tunisiens avait révélé que les opposant à Kaïs Saïed était interdit d’accès à cette institution.

« La Télévision nationale agit selon les ordres directs du président de la République ! Il s’agit d’une véritable catastrophe. On interdit pour des raisons politiques à la Télévision nationale, financée par l’argent du contribuable, d’inviter les représentants des partis politiques ! Il s’agit d’un dangereux précédent ! La liberté de la presse est en péril ! », avait-il affirmé dans une déclaration médiatique du 11 janvier 2022.

D’ailleurs, l’attitude de la Télévision nationale depuis l’annonce des mesures exceptionnelles à la date du 25 juillet 2021 n’est pas vraiment aussi surprenante que cela. Cette institution a toujours été toujours obligée de fonctionner comme étant un organe de propagande et de communication gouvernementale. Les différents dirigeants nommés à la tête de cet établissement, à l’exception de quelques-uns qui n’avaient pas fait long feu, ont fait de leur mieux pour limiter la programmation, poser des restrictions au travail journalistique et faire l’éloge des accomplissements de l’autorité en place et de ses agissements exemplaires.

Rappelez-vous, les nombreux documentaires longtemps diffusés sur notre bonne et vieille télévision nationale en temps de crise et de confrontations entre manifestants et forces de l’ordre. Nous pouvons, également, citer le changement du nom de l’émission diffusée le 25 juillet 2021 après l’annonce des mesures exceptionnelles : « Le peuple se soulève et le président répond aux attentes ». Le peuple ! Même si aucun chiffre officiel n’a été communiqué à ce sujet.

Tout cela a poussé une grande partie des syndicats de la Télévision nationale à la contestation. Ils ont annoncé, durant une conférence de presse du 6 janvier 2022, la tenue d’une grève depuis le 13 janvier 2022. Les représentants des syndicats ont affirmé que la production télévisée s’était transformée en décision politique en dehors de la volonté du personnel. Les syndicats ont affirmé qu’ils avaient été interdits de réaliser des reportages et que toutes leurs propositions de diversifications de la grille de programmation finissaient à la déchiqueteuse.

L’échec des négociations ayant suivi cette annonce n’a fait qu’empirer les choses. Notre bon vieux Staline en herbe, le gouverneur de Tunis, Kamel Fekih a décidé, non-pas de retenter la chose ou de trouver un terrain d’entente, mais de tout simplement réquisitionner une partie du personnel de l’établissement ! Il a adressé un courrier officiel au personnel en y mentionnant que le directeur du district de la police devait œuvrer pour l’application de cette décision. Quelques heures après, tard dans la nuit, le bâtiment de la Télévision nationale a été encerclé par des agents de la police.

Pour ne pas s’égarer du sujet principal, le chef de l’Etat a donc tenu à féliciter ceux qui ne mettaient pas en question la légitimité, la nécessité et l’efficacité des mesures exceptionnelles et des visions idéalistes de notre guide suprême. La priorité est à la lutte contre la consommation de drogue et la purification de la justice, et du peuple si cela s’avère nécessaire dans le futur, de la vermine qui complotait dans l’obscurité contre les intérêts du peuple. 

Le message est clair ! La Télévision nationale et les médias doivent laisser les questions d’ordre politique de côté ! Les grévistes, qui ont causé la non-diffusion du bulletin télévisé de 13 heures le 7 février 2022, complotent contre l’Etat ! Les grévistes revendiquant une amélioration du service public complotent contre l’Etat ! Les invités faisant l’éloge du président et de sa politique actuelle œuvrent pour le bien de l’Etat ! Produire des émissions présentant certaines problématiques comme étant le fruit de conspiration des « vipères » afin de déstabiliser le pays est un acte de patriotisme ! Ne pas produire d’émission et se contenter des bulletins d’informations couvrant l’activité gouvernementale est un acte de patriotisme extrême !

S.G

 


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