Economie tunisie

Jawaher Allala, experte en transformation numérique et cofondatrice de « Systnaps » : « La souveraineté numérique n’est pas un frein à l’innovation, mais sa condition »

Alors que la transformation numérique s’accélère à travers le continent africain, la souveraineté des données s’impose comme un enjeu de premier plan. La 8e édition du Forum international Fita 2025, organisée récemment à Tunis, a mis en lumière les défis et les opportunités liés à la gouvernance des données en Afrique. Pour Jawaher Allala, experte en transformation numérique et cofondatrice de « Systnaps », il ne peut y avoir de développement technologique durable sans maîtrise locale de l’information.

La Presse — La question de la souveraineté numérique ne relève plus d’un simple choix stratégique : elle est devenue une nécessité pour les économies africaines en quête d’autonomie technologique et d’innovation durable. C’est l’un des constats forts qui a émergé lors du Forum international Fita 2025 (Financing Investment & Trade in Africa), tenu récemment à Tunis.

Parmi les voix qui portent cette vision, celle de Jawaher Allala se distingue. Spécialiste de la gouvernance des données et cofondatrice de Systnaps— une entreprise qui développe des solutions logicielles pour la valorisation et la gestion du cycle de vie des données —, elle plaide pour une intelligence artificielle pensée « par et pour » les Africains. « Sans maîtrise des données, pas d’intelligence artificielle efficace, ni de développement numérique durable en Afrique», affirme-t-elle.

Qualité, traçabilité, interopérabilité, sécurité et documentation

A travers sa solution « Data Recycling », elle propose une approche qui ancre l’IA dans les réalités locales, en posant les fondements d’une gouvernance rigoureuse: qualité, sécurité, traçabilité, interopérabilité. Pour elle, seule une gestion souveraine et contextualisée de la donnée permettra au continent de réduire sa dépendance technologique et de devenir un acteur à part entière de l’économie numérique mondiale.

Selon elle, aucune intelligence artificielle ne peut être véritablement performante sans une gouvernance rigoureuse des données. Cette dernière permet de poser des fondations solides : qualité, traçabilité, interopérabilité, sécurité et documentation. En Afrique, la gouvernance des données représente un levier stratégique pour développer des modèles d’IA pertinents, fiables et ancrés dans les réalités locales.

En structurant les écosystèmes de données, elle facilite l’émergence de solutions innovantes dans des secteurs stratégiques tels que l’agriculture, la santé, l’éducation ou la finance. Ce levier contribue à réduire la dépendance technologique et ouvre la voie à une intelligence artificielle conçue « par et pour » les Africains, en phase avec les réalités du continent.

Cependant, plusieurs obstacles freinent encore cette dynamique : l’absence de gouvernance structurée, le cloisonnement des services, la dispersion des sources de données et la faible qualité des informations disponibles. Ces freins limitent l’exploitation stratégique de la donnée et entravent le déploiement de projets d’IA à fort impact.

Une véritable culture de la donnée

«C’est précisément à ces enjeux que répond notre solution Data Recycling», explique-t-elle. Ce logiciel intervient à chaque étape critique de la chaîne de valorisation des données: rétro-documentation des données existantes, amélioration de la qualité, catalogage, sécurisation et gestion de la conformité. Il propose un cadre de gouvernance clair, modulaire et agile, adapté aux réalités des organisations africaines, qu’elles soient publiques ou privées.

Mais l’approche de « Systnaps » va au-delà de la technologie. Il s’agit également de faire émerger une véritable culture de la donnée, en accompagnant les organisations pour qu’elles deviennent autonomes et capables de piloter leur transformation numérique sur la base de données maîtrisées, fiables et valorisées.

L’Afrique ne doit pas se contenter de consommer des innovations développées ailleurs. Elle dispose de tous les atouts pour devenir un acteur majeur de la technologie, à condition de bâtir les bons fondamentaux : infrastructures numériques souveraines, écosystèmes entrepreneuriaux dynamiques, talents locaux formés, et surtout une gouvernance solide des données produites sur le continent.

Dans ce cadre, l’intelligence artificielle, lorsqu’elle est bien encadrée, peut devenir un catalyseur de développement durable, d’inclusion sociale et d’emploi qualifié. Elle favorise la création de propriété intellectuelle, renforce la résilience des économies locales et génère une véritable valeur ajoutée à l’échelle nationale et régionale.

En définitive, la souveraineté numérique n’est pas un frein à l’innovation, mais bien sa condition. C’est elle qui garantit la pertinence, la durabilité et l’appropriation des technologies. L’avenir numérique de l’Afrique dépend de sa capacité à reprendre le contrôle de ses données pour façonner des solutions technologiques à son image, en phase avec ses ambitions, ses priorités et son identité, a conclu Jawaher Allala.


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