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Investissements étrangers : Le pari tunisien face à la crise globale

Alors que le climat mondial des investissements directs étrangers (IDE) est au plus bas depuis près de vingt ans, la Tunisie affiche un optimisme prudent quant à sa capacité d’attraction. Entre volontarisme affiché et signaux de fragilité globale, une question demeure : comment conjuguer ambitions nationales et réalités internationales ? 

La Presse —«La confiance est le facteur qui influence le plus la décision d’investissement, d’où l’importance de capitaliser sur les projets déjà implantés en Tunisie», a affirmé Tarak Cherif, président du réseau Anima et fondateur de la Conect, lors de la célébration des 30 ans de la Fipa (Agence de promotion de l’investissement extérieur), le 20 juin à Tunis.

Se voulant rassurant, Cherif a mis en avant les signes encourageants pour la Tunisie. Les IDE sont revenus à des niveaux supérieurs à ceux de 2019, outre un regain d’intérêt pour les projets dits “greenfield”, avec des annonces totalisant 13 milliards de dollars. Pour lui, ces signaux positifs sont la preuve que le site Tunisie demeure attractif, à condition de poursuivre les réformes structurelles : simplification administrative, adaptation fiscale, modernisation des procédures et mobilisation de la diaspora tunisienne.

La Tunisie dans une dynamique positive 

À première vue, le tableau dressé par Tarak Cherif semble rassurant. Dans un environnement régional sous tension, l’Afrique du Nord apparaît comme l’une des rares zones à bénéficier d’une hausse des flux d’IDE. Ce regain est notamment porté par la diversification industrielle, les opportunités dans l’énergie renouvelable et un repositionnement de certains acteurs européens dans un contexte géopolitique bousculé.

Mais cette dynamique, bien que réelle, reste fragile et dépendante d’une capacité politique nationale à répondre aux attentes concrètes des investisseurs. Or, le retard accumulé dans la mise à jour du cadre juridique et administratif continue de freiner l’élan.

Investissements mondiaux en berne

Cet optimisme local tranche pourtant avec les alertes lancées au niveau international. Selon un rapport publié récemment par la Banque mondiale, les flux d’IDE vers les économies en développement ont atteint leur niveau le plus bas depuis 2005, s’établissant à 435 milliards de dollars en 2023. Ils ne représentent plus que 2,3% du PIB mondial, contre près de 5% lors du pic de 2008.

La situation est d’autant plus préoccupante que la tendance baissière touche également les pays à revenu élevé. La montée des tensions géopolitiques, les restrictions croissantes aux investissements transfrontaliers, l’explosion de la dette publique et les freins réglementaires freinent durablement les flux d’investissement.

«Ce n’est pas une fatalité, mais le résultat de choix politiques», alerte Indermit Gill, économiste en chef de la Banque mondiale, rappelant que les IDE restent l’une des formes d’investissement privé les plus productives pour stimuler la croissance et l’emploi.

Des modèles inspirants

Plusieurs pays aux profils comparables à celui de la Tunisie ont su pourtant transformer un environnement économique contraignant en véritable levier d’attractivité pour les IDE. Le Maroc, par exemple, a multiplié ses zones industrielles intégrées, notamment à Tanger Med, devenu un hub logistique majeur reliant l’Afrique, l’Europe et l’Amérique.

En Europe de l’Est, la Serbie a su attirer des investissements dans l’automobile et les nouvelles technologies grâce à une politique agressive d’incitations fiscales et un climat des affaires simplifié. Le Vietnam, lui, a capitalisé sur ses accords commerciaux internationaux et la montée des tensions commerciales sino-américaines pour capter des chaînes de valeur industrielles, en particulier dans l’électronique.

Ces réussites montrent que même des pays à taille moyenne peuvent, par une vision cohérente et une mise en œuvre rigoureuse, devenir des destinations privilégiées pour l’investissement international.

Des obstacles structurels à lever pour crédibiliser le discours

Dans ce contexte tendu, le discours national gagne à s’inscrire dans une stratégie de réalisme lucide. Oui, la Tunisie bénéficie d’opportunités avérées, notamment par son positionnement géographique et sa proximité avec le marché européen. Oui, certains signaux encourageants existent. Mais ces opportunités peuvent vite s’effriter si elles ne sont pas consolidées par des réformes effectives et une politique volontariste d’attractivité.

Le contraste entre les annonces optimistes locales et la conjoncture mondiale morose impose une exigence accrue de cohérence. La future Conférence internationale sur le financement du développement, prévue fin juin à Séville, pourrait offrir un cadre utile pour repositionner les ambitions tunisiennes dans une approche collective, régionale et pragmatique. Mais qu’est-ce que nos acteurs nationaux ont véritablement préparé pour ce grand rendez-vous international où la concurrence sera à son maximum ?

Dans cette compétition mondiale, seules les nations capables de conjuguer lucidité stratégique, stabilité assumée et audace réformatrice réussiront à faire de l’investissement un véritable moteur de prospérité partagée. La Tunisie, dans cet ordre, a encore beaucoup à accomplir.


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