Economie tunisie

Industries créatives : La Tunisie, futur leader du tourisme créatif

Le tourisme alternatif et les industries créatives s’imposent aujourd’hui comme des leviers stratégiques à fort potentiel de développement. Ces secteurs favorisent la création de chaînes de valeur inclusives, génératrices d’emplois non délocalisables et de valorisation durable du patrimoine culturel et local.

La Presse —Renforcer les synergies entre ces deux secteurs clés, tel est l’objectif fixé conjointement par Leaders International et le ministère du Tourisme et de l’Artisanat, lors d’une rencontre tenue récemment ayant pour thème « Innovate Tunisia : tourisme et industries créatives». C’était une occasion renouvelée pour  favoriser les échanges d’expériences, l’exploration de partenariats et le partage de bonnes pratiques dans les domaines du tourisme alternatif, du design et de l’entrepreneuriat créatif. Innovate Tunisia a également marqué le lancement officiel du réseau national des organisations de la société civile OSC tunisiennes pour le tourisme alternatif, qui servira de plateforme pour renforcer la coopération régionale et les initiatives transfrontalières.

Les intervenants présents lors des travaux de cette rencontre ont mis en exergue le rôle du contenu créatif du design et des arts numériques aux métiers d’art et aux performances dans l’enrichissement de l’expérience touristique, tout en montrant comment le tourisme peut ouvrir de nouveaux marchés et offrir une visibilité accrue aux créateurs locaux. À travers des exemples concrets, le débat s’est focalisé sur les infrastructures partagées, les programmes collaboratifs et les cadres politiques intégrés qui soutiennent la croissance et positionnent la Tunisie comme un futur leader du tourisme créatif.

Evolutions majeures

Dans ce contexte, Emmanuel Noutary, délégué général du réseau Anima Investment Network, a déclaré que les synergies ont toujours existé entre les tour-opérateurs, les hôtels et l’artisanat. Selon ses propos, deux évolutions majeures transforment aujourd’hui l’offre touristique : d’une part, une montée en gamme qui pousse à dépasser le tout-balnéaire pour proposer des activités à plus forte valeur ajoutée, où culture et patrimoine occupent une place centrale, d’autre part, une transformation de l’offre artisanale, qui s’adapte aux goûts de touristes plus aisés en mêlant traditions locales et inspirations internationales.

Et d’insister, par ailleurs, sur la nécessité d’amplifier ce processus pour faire évoluer conjointement l’offre touristique et celle des industries créatives, avec à la clé une augmentation de la valeur sur toute la chaîne. Il s’agit aussi d’accompagner les entrepreneurs souhaitant accéder à de nouveaux marchés à l’exportation, en les connectant à d’autres entreprises à travers des missions de prospection ou des salons internationaux. Ce soutien bénéficie également aux clusters et réseaux d’entreprises, comme ce fut le cas récemment dans le cadre du projet Eurimed Clusters Forward, cofinancé par l’Union européenne. 

De même, il est primordial d’accompagner les entrepreneurs dans leur recherche de financements, à travers des programmes de coaching, et de renforcer les capacités d’innovation au sein des clusters, véritables moteurs de compétitivité dans un contexte de concurrence mondiale. Le digital, selon le délégué général du réseau Anima Investment, «joue un rôle essentiel dans cette dynamique : en Tunisie, un touriste utilisant le digital dépense en moyenne 30 % de plus que les autres. Il est présent dans les expériences immersives proposées sur les sites réalité virtuelle, ce qui rend la culture accessible à des publics plus éloignés : personnes âgées, handicapées, jeunes, diaspora». C’est aussi «un levier de promotion et de distribution via les réseaux sociaux ou le e-commerce, notamment pour l’artisanat».

Des ponts entre tourisme et  patrimoine culturel

De son côté, Serge Stagnoli, chef d’équipe de coordination du programme Tounes Wijhetouna, a rappelé que la mission de l’équipe est de promouvoir un tourisme plus durable et diversifié, en créant des ponts entre tourisme, artisanat, produits du terroir et patrimoine culturel. Le programme s’articule autour de trois volets complémentaires : l’appui au tourisme durable (porté par la GIZ), le renforcement des chaînes de valeur artisanales et du design à travers Créative Tunisia (mis en œuvre par l’Onudi) et la valorisation du patrimoine culturel à travers Patrimoine 3000 (piloté par Expertise France). 

Les industries créatives représentent, selon lui, une opportunité économique majeure, en particulier pour les régions de l’intérieur. En mobilisant des savoir-faire locaux, des récits identitaires et des ressources déjà existantes, elles gagnent en visibilité grâce au tourisme. Le programme Tounes Wijhetouna soutient plusieurs projets emblématiques dans cette logique. À Djerba, en 2023, «Djerba Out II» a transformé le village des Riad en galerie à ciel ouvert, renforçant l’attractivité touristique et la fierté locale. En 2024, Cidjerba a proposé une expérience immersive co-construite avec des jeunes, des artisans et des vidéastes. L’E-Fest 2025 a mêlé arts numériques, musique et patrimoine dans les ksours, attirant un public jeune et curieux. À Tunis, Médina des Lumières a redonné vie à la Médina la nuit à travers un parcours lumineux artistique, dont la quatrième édition vient de s’achever.

Ces exemples montrent que miser sur la culture et la création, c’est activer l’économie locale, renforcer l’image des territoires et diversifier les profils de visiteurs.

Trois grandes questions structurent les défis à relever. La première concerne les barrières actuelles. Sur le terrain, un manque de coordination persiste entre les secteurs du tourisme, de la culture, de l’artisanat et du développement local. Un meilleur alignement stratégique permettrait d’amplifier considérablement l’impact. Deuxièmement, les outils de financement restent souvent inadaptés aux structures créatives régionales, généralement petites et peu formalisées. Il faudrait des mécanismes plus souples, progressifs et proches du terrain. Troisièmement, le besoin d’accompagnement technique est crucial : gestion, communication, accueil… Créer une offre culturelle de qualité nécessite des compétences spécifiques.

«L’idée n’est donc pas seulement de financer des projets isolés, mais de construire un véritable écosystème du tourisme créatif tunisien, liant tourisme, artisanat et patrimoine. C’est précisément l’objectif du volet transversal de Tounes Wijhetouna. Celui-ci facilite le dialogue intersectoriel, accompagne la création de routes thématiques dans les régions intérieures et met en lumière des modèles duplicables à travers des événements, des retours d’expérience et des outils de capitalisation».

La dernière question abordée est celle de la croissance inclusive et durable générée par ces initiatives. 

Le tourisme créatif, par essence, est inclusif. Il repose sur des ressources humaines locales, artisans, conteurs, artistes et crée une activité non délocalisable. L’exemple édifiant de Djerbahood, Djerba, des jeunes ont été formés à la médiation culturelle, se réapproprient leur patrimoine avec fierté.

Pour conclure, Serge Stagnoli a tenu à souligner que le tourisme créatif n’est pas une simple tendance : c’est une réponse concrète aux enjeux d’emploi, de culture, de développement territorial et de durabilité. En créant du lien entre les acteurs, les communautés et les visiteurs, il génère non seulement de la valeur, mais aussi, du sens, de la mémoire et de la beauté partagée. Et en cela, la Tunisie possède tous les atouts pour devenir un acteur régional majeur du tourisme créatif.


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