Hassine Rehili : repenser les barrages et limiter l’eau en bouteille !

L’expert en développement et en gestion des ressources à la Faculté des Sciences de Tunis, Hassine Rehili, a souligné, vendredi 28 février 2025, sur Express FM, la nécessité de réviser la stratégie de mobilisation des eaux de surface, notamment à la lumière des changements climatiques. Il a plaidé pour l’adoption de nouvelles méthodes, plutôt que de continuer à dépendre des barrages traditionnels, qui entraînent une forte évaporation de l’eau.
Il a précisé, au micro de Wassim Ben Larbi, qu’entre 600.000 et 700.000 mètres cubes d’eau s’évaporent chaque jour des barrages tunisiens, soit près de la moitié de la quantité d’eau potable consommée par les Tunisiens.
L’expert a insisté sur la nécessité de repenser la construction et l’emplacement des barrages, en tenant compte des changements dans la répartition des précipitations. Il a également mis en avant l’importance de poursuivre la mobilisation des ressources en eau souterraines, en développant le forage de puits profonds afin de réduire la pression sur les barrages pour l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation.
Par ailleurs, Hassine Rehili a souligné l’urgence de valoriser les eaux usées traitées pour garantir la sécurité alimentaire. Il a précisé qu’il existe 127 stations de traitement des eaux réparties sur tout le territoire national, produisant environ 300 millions de mètres cubes d’eau par an, mais que leur taux d’exploitation ne dépasse pas 7%.
Réagissant à la décision du Conseil ministériel de finaliser l’élaboration du plan directeur des eaux mises en bouteille à l’horizon 2050, l’expert a déclaré : « La Tunisie est le quatrième pays consommateur d’eau embouteillée par habitant, ce qui est une anomalie. Il faut œuvrer à améliorer la qualité de l’eau potable distribuée par la Sonede pour réduire le coût de consommation supporté par le citoyen. Il faut également limiter le nombre de marques d’eau embouteillée : plus de 29 entreprises sont actives dans ce secteur.»
Il a, en outre, exhorté à généraliser le réseau de distribution de la Sonede dans les zones rurales, face à l’échec des associations de gestion de l’eau.
Un Conseil ministériel restreint consacré à la gouvernance de l’eau
Le chef du gouvernement, Kamel Maddouri, a présidé, mercredi dernier, un Conseil ministériel restreint consacré à la gouvernance des ressources en eau et à la révision du Code des eaux. L’objectif principal des mesures annoncées est d’assurer une gestion durable de l’eau, d’améliorer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement d’ici 2030, conformément aux objectifs de l’ONU.
De nombreuses mesures ont été annoncées par la Kasbah, notamment :
La mobilisation des ressources en eau de surface grâce à l’achèvement de la construction de quatre barrages et réservoirs d’une capacité totale de 318 millions de m³, ainsi que le lancement des travaux pour les barrages de Raghay et Khalled, et l’achèvement du raccordement entre les barrages de Sidi Saïda et Kalaâ.
Le renforcement des ressources en eau souterraine en allouant des fonds supplémentaires pour 2025, afin de creuser des puits profonds dans les gouvernorats du Kef et de Nabeul.
La valorisation des eaux traitées avec la création de 127 stations de traitement produisant 292 millions de m³ d’eau par an, ainsi que 61 stations dédiées à l’irrigation et à l’arrosage des espaces verts. Actuellement, seulement 14 millions de m³ sont exploités dans l’agriculture, un programme d’irrigation de 11500 hectares de terres domaniales sera mis en place.
Le développement des programmes de dessalement pour assurer l’approvisionnement en eau potable, avec l’achèvement de la station de Sousse, d’une capacité de 50.000 m³/jour, et le lancement de sept stations de dessalement des eaux souterraines dans les gouvernorats du Sud, avec une capacité totale de 40000 m³/jour.
L’adoption des énergies renouvelables pour maîtriser le coût de production et de transfert de l’eau. L’objectif est d’intégrer 30% d’énergies renouvelables hydroélectriques et photovoltaïques dans la consommation énergétique du secteur d’ici 2035. Un système de gestion de l’énergie sera mis en place, et deux stations seront installées à Sfax et Tozeur, permettant de couvrir 40% des besoins en énergie de six stations de dessalement.
La numérisation de la gestion de l’eau, avec la mise en place d’une plateforme numérique pour faciliter la prise de décision en temps réel.
La lutte contre l’évaporation des eaux de surface, en coopération avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
La réhabilitation des systèmes d’approvisionnement en eau potable dans les zones rurales, pour un coût de 2,361 millions de dinars.
L’ensemencement des nuages, un projet mené avec les ministères de l’Intérieur, de la Défense, de l’Enseignement supérieur et des Transports, afin de stimuler les précipitations à grande échelle.
La généralisation des compteurs intelligents pour mieux gérer la consommation d’eau.
L’accélération du projet du Code des eaux, en vue de sa présentation au Conseil des ministres.
Ces mesures visent à moderniser le secteur de l’eau et à garantir une meilleure gestion des ressources hydriques dans un contexte de stress hydrique croissant.
M.B.Z
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