Belhadj : le secteur financier tunisien est exposé à des risques importants à cause de l'endettement intérieur
Belhadj : le secteur financier tunisien est expos des risques importants cause de lendettement intrieur
Le docteur en sciences économiques, enseignant-chercheur à l’Université de Carthage et expert-consultant, Aram Belhadj, est revenu sur les dangers d’un recours intensif de l’État aux banques de la place pour le financement du budget.
Dans un post Facebook daté de dimanche 15 septembre 2024, l’universitaire a affirmé : « Nous avons, à maintes reprises, alerté sur les dangers d’un recours intensif de l’État aux banques de la place pour le financement du budget ». Et de marteler : « Les partisans d’un recours excessif à l’endettement interne (dans une logique d’autosuffisance, de rupture avec le FMI, etc.) devraient lire le dernier rapport de la Banque mondiale sur le même sujet ».
M. Belhadj a expliqué : « Malheureusement, la Tunisie est devenue un pays en difficulté (distressed country) et cette tendance aura des répercussions majeures sur le secteur bancaire en particulier et sur l’économie en général (il en va de même pour l’Égypte, mais cette dernière a au moins réussi à atteindre des taux de croissance respectables et a progressé, bien que lentement, dans le processus de réforme) ».
Et de souligner : « Cela signifie-t-il que nous devrions tomber dans les bras du Fonds monétaire international (FMI) ? Absolument pas. Nous devons plutôt négocier avec lui un programme de réformes avec des choix nationaux.
Cela signifie-t-il que nous devrions revenir à des niveaux élevés d’emprunts extérieurs au lieu de compter sur les banques et les emprunts intérieurs ? Absolument pas. Nous devrions plutôt trouver un équilibre dans le processus d’endettement, bien le gérer et l’orienter vers la création de richesses.
L’aspect le plus important et le plus global de tout cela est de s’orienter vers une véritable réforme des finances publiques, de notre secteur bancaire et financier et du climat d’investissement dans notre pays et de sortir du cercle vicieux « grand déficit – grande dette – économie stagnante » ! »
Fin août 2024, la Banque mondiale a publié un rapport intitulé « Finance and Prosperity 2024« , qui analyse les évolutions et les vulnérabilités du secteur financier dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
Un communiqué indique que le rapport met en évidence des divergences dans la résilience et la stabilité des secteurs financiers. Selon l’analyse de cinquante pays (dont la Tunisie), 30% des secteurs financiers de ces pays seront exposés à des risques importants dans les douze prochains mois. En effet, dans la majorité de ces pays, il n’existe pas de cadre politique adapté ni de capacités institutionnelles suffisantes pour relever les défis de la stabilité financière.
Le rapport attire également l’attention sur le poids excessif de la dette publique dans les avoirs des banques nationales. C’est là un talon d’Achille pour certaines économies, en particulier celles dont les politiques macroéconomiques sont moins rigoureuses et qui sont en butte à des problèmes de viabilité de leur dette publique. Ainsi entre 2012 et 2023, l’exposition des banques à la dette publique a augmenté de plus de 35%.
Le rapport soutient que plusieurs secteurs financiers du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord sont confrontés à des risques élevés dans le contexte d’un lien étroit entre l’État et les banques. Il estime que « les risques sont également élevés en Tunisie et en République arabe d’Égypte en raison d’une combinaison d’expositions bancaires élevées au gouvernement central et aux entreprises publiques non financières et de perspectives macroéconomiques difficiles ».
Rappelons que la Trésorerie tunisienne a mobilisé 1,27 milliard de dinars, grâce aux souscriptions à la troisième tranche de l’emprunt obligataire national 2024, dépassant le montant initialement fixé de 700 millions de dinars, avec un taux de souscription de 182%.
À fin juin 2024, l’État a mobilisé 12,26 milliards de dinars en ressources d’emprunt, contre 5,84 milliards de dinars un an auparavant, selon les résultats provisoires de l’exécution du budget de l’État à fin juin 2024 publiés par le ministère des Finances. 11,17 milliards de dinars d’emprunt intérieur sur les 11,74 milliards de dinars prévus dans la loi de finances 2024 et seulement près de 1,1 milliard de dinars d’emprunt extérieur sur les 16,44 milliards de dinars prévus dans la loi de finances 2024.
Ainsi à la moitié de l’année, l’État a déjà collecté pratiquement tout le montant prévu en emprunt intérieur et il continue encore de puiser sur les ressources intérieures, une quatrième tranche étant prévu dans la loi de finances 2024. Ce qui pourrait, in fine, créer un effet d’éviction sur le marché. En contrepartie, l’État n’a réussi à collecter que le seizième des ressources d’emprunts extérieures ambitionnées.
I.N.
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