Economie tunisie

Banque Mondiale : Les réformes fiscales nécessaires en point de mire

Malgré une conjoncture mondiale défavorable et des conditions climatiques éprouvantes, la Banque mondiale reste optimiste quant aux capacités de la Tunisie à rebondir. Les réformes fiscales et l’investissement dans l’énergie renouvelable sont identifiés comme des leviers essentiels pour un développement économique inclusif et durable.

La Banque mondiale a tenu, hier, une table ronde à son siège à Tunis pour présenter son dernier rapport semestriel sur la conjoncture économique en Tunisie. Intitulé « Équité et efficacité du système fiscal tunisien », ce rapport offre une analyse approfondie des défis et des opportunités qui marquent l’économie tunisienne, tout en explorant les réformes fiscales nécessaires pour un système plus juste et plus efficace, répondant aux exigences d’équité entre les prélèvements sur le travail et le capital.

La rencontre a été marquée par la présence d’Alexandre Arrobbio, représentant résident en Tunisie, et Massimiliano Calì, chief economist.

Une coopération renforcée 

Alexandre Arrobbio a mis en relief l’engagement de longue date de la Banque mondiale en Tunisie. Selon lui, cette collaboration repose sur un dialogue ouvert et une confiance mutuelle, permettant d’œuvrer conjointement pour un développement inclusif. Il a également, souligné l’importance de la stratégie 2023-2027, établie avec le gouvernement tunisien, visant à soutenir la croissance inclusive et la transition énergétique.

« Nous répondons aux demandes formulées par les autorités tunisiennes, notamment dans le cadre de notre stratégie commune. Cette stratégie a pour objectifs la croissance, la création d’emplois et la transition énergétique », a indiqué Arrobbio.

Il a, en outre, précisé que la Banque mondiale a orienté ses efforts sur des secteurs stratégiques comme la transition énergétique, le développement humain et la gestion de l’eau. La Tunisie a ainsi bénéficié de programmes d’investissement dans l’énergie renouvelable, visant à améliorer le mix énergétique national. « Avec l’objectif ambitieux d’atteindre 17 % d’énergie renouvelable d’ici 2026, le pays prévoit de réduire significativement sa dépendance au gaz importé », a souligné Arrobbio.

En parallèle, des initiatives de développement humain, en particulier dans l’éducation, la santé et la résilience des communautés, répondent aux besoins pressants des citoyens. Arrobbio a aussi indiqué que la Banque mondiale intensifie son soutien aux projets liés à la gestion de l’eau, face aux défis climatiques de plus en plus urgents.

Résilience économique de la Tunisie face aux crises mondiales

D’un autre côté, le rapport semestriel de la BM a mis en lumière la capacité d’adaptation de l’économie tunisienne, malgré une série de crises majeures, allant de la pandémie de Covid-19 à la guerre en Ukraine. Ces chocs ont eu des répercussions significatives, notamment l’augmentation des prix des hydrocarbures et des céréales. Cependant, la diversification de l’économie et la gestion budgétaire ont permis de limiter l’impact de ces crises sur le pays.

« Malgré une sécheresse sévère en 2023 qui a affecté la production agricole, une reprise économique timide a été observée cette année, encouragée par la stabilisation de l’inflation et la réduction du déficit courant. Cette amélioration est due principalement à l’augmentation des exportations, notamment dans le secteur du tourisme, ainsi qu’à une gestion prudente des importations », a encore précisé Arrobbio.

Ainsi, en raison de la sécheresse persistante et des conditions de financement extérieur difficiles, la Banque mondiale anticipe une croissance économique de 1,2 % en 2024, suivie de 2,2 % en 2025 et de 2,3 % en 2026. Ces projections visent à rapprocher l’économie tunisienne de sa trajectoire de croissance à long terme, interrompue par la crise de la pandémie de Covid-19. Toutefois, ces perspectives demeurent tributaires d’une amélioration des conditions de financement, de la demande extérieure et d’une atténuation de la sécheresse.

Fiscalité et justice sociale : un équilibre à retrouver

Pour sa part, Massimiliano Calì a abordé l’une des principales recommandations du rapport : la nécessité de réformes fiscales en Tunisie pour accroître l’équité et l’efficacité du système.

En effet et selon la Banque mondiale, bien que la croissance économique du pays ait été entravée par des défis climatiques et économiques, un système fiscal plus juste pourrait encourager une relance plus durable.

« L’équité fiscale est au cœur des réformes. Nous pensons que l’efficacité du système fiscal est un levier essentiel pour une croissance économique inclusive et stable », a affirmé Calì.

L’expert a souligné que les recettes fiscales en Tunisie sont supérieures à celles de la majorité des pays de la région, mais qu’elles demeurent insuffisantes pour faire face à l’augmentation des dépenses publiques.

Le ratio des recettes fiscales au PIB est passé de 18 % dans les années 2000 à 24 % pour la période 2021-2023, principalement en raison de la hausse de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Irpp), qui est passé de 3,6 % dans les années 2000 à 7,1 % en 2021-2023. Cette augmentation s’explique en partie par la part croissante de l’emploi public.

La Tunisie présente également le plus grand écart entre l’imposition du capital et celle du travail parmi les pays en développement pour lesquels des données sont disponibles. Pour que la Tunisie renforce l’équité et l’efficacité de son système fiscal, la Banque mondiale propose une série de réformes visant les impôts directs et indirects, élaborées en concertation avec les citoyens, les travailleurs et le secteur privé.

Elle recommande notamment de renforcer l’impôt foncier, d’introduire une taxe carbone et de réviser les exonérations ainsi que les taux réduits de l’impôt sur le revenu du capital, de même que le taux de l’impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, une baisse de l’imposition effective sur les revenus du travail pour les contribuables à faible revenu est envisagée, accompagnée d’une augmentation de la progressivité de l’Irpp et de la contribution sociale de solidarité (CSS).

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