AMT : le ministère de la Justice franchit toutes les lignes rouges !
L’Association des magistrats tunisiens (AMT) a publié un communiqué lundi 9 septembre 2024, où elle dénonce « la mainmise du ministère de la Justice sur toutes les prérogatives du Conseil supérieur provisoire de la magistrature, franchissant de ce fait toutes les lignes rouges en matière de contrôle du pouvoir judiciaire ».
En effet, l’organisation a noté « les interventions du ministère hors de ses compétences et en violation claire et flagrante des lois, en publiant les tableaux de promotions de magistrats, des notes quotidiennes de travail qui ressemblent à un large mouvement du corps des magistrats, qui a concerné des juges de tout grade et des procureurs de la République, notamment ceux auxquels on a confié des affaires à caractère électoral et qui concernent des candidats à la présidentielle ». Ainsi et toujours selon ce même document, ces mutations ont concernés « des responsables de tribunaux connus pour leurs compétences, leur indépendance, leur impartialité et leur intégrité ». « Ils ont été déchargés de leurs responsabilités et transférés arbitrairement hors de leurs lieux de résidence sans aucune justification ni évaluation objective », précise le même document. L’association appuie ses dires par des exemples concrets comme le récent transfert de la présidente du Tribunal de première instance de La Manouba à la Cour d’appel du Kef, et le transfert du président du Tribunal de Première Instance de Tunis 2 à la Cour d’appel de Béja, des transferts opérés sans aucune considération pour leurs familles, pour leurs états de santé, pour leur carrière judiciaire qui a dépassé trente ans, et au cours desquelles ils ont occupé, chacun, les plus hautes fonctions judiciaires.
L’AMT condamne fermement cette approche autoritaire continue imposée aux juges par le pouvoir exécutif via le ministère de la Justice. Et de rappeler que « le gel des travaux du Conseil supérieur provisoire de la magistrature depuis près d’un an a été initié par le pouvoir exécutif qui a transféré deux membres et envoyé deux autres à la retraite sans les remplacer, ouvrant de ce fait la voie au ministère de la Justice pour utiliser le mécanisme arbitraire des notes ».
Pour l’AMT, l’état de vide institutionnel que vit le système judiciaire a eu de graves répercussions, dont notamment l’absence de toutes les garanties liées à la gestion des parcours professionnels des magistrats.
L’organisation estime aussi que « cet état de vide institutionnel prémédité n’autorise pas le ministère de la Justice ni le pouvoir exécutif à régenter le parcours professionnel des juges et à procéder à des transferts arbitraires, à des nominations à des postes judiciaires ou à déchoir des magistrats de leurs fonctions, juste par des notes de travail ».
Pour l’association, tout ce qui s’est passé depuis la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature est « une politique claire et méthodique de la part du pouvoir politique visant à intimider les juges et les responsables judiciaires dans le but de les asservir et de leur imposer par la force ses diktats, ses instructions, ses programmes et ses objectifs, sans que cela ait aucun rapport avec les slogans qu’il lève sur la réforme, la modernisation, l’amélioration des conditions des tribunaux et l’amélioration des performances de l’appareil judiciaire ».
L’AMT appelle le pouvoir politique à revoir ses choix désastreux dans son traitement du système judiciaire, qui s’est avéré être un échec. Elle met en garde contre les répercussions d’une crise judiciaire, les intimidations dirigées contre les magistrats et la propagation d’un climat de peur, de terreur et d’insécurité parmi eux par le ministère de la Justice.
L’organisation renouvelle son appel à toutes les composantes de la société tunisienne à être vigilantes et conscientes de la gravité de la situation judiciaire en Tunisie et à œuvrer de toutes leurs forces pour protéger les magistrats tunisiens des mesures arbitraires sans précédent qui les affectent quotidiennement, menaçant leur rôle. Elle appelle tous les juges judiciaires de tous grades qui ont été touchés par l’abus de pouvoir de recourir à la justice administrative pour faire appel des ordres injustes et illégaux reçus. L’AMT a annoncé la création d’une commission juridique au sein de l’association pour prendre en charge leurs dossiers et fournir les conseils et les informations nécessaires.
L’AMT appelle tous les juges judiciaires, administratifs et financiers de tous types et de tous grades à tenir davantage à leur indépendance et à leur impartialité dans l’exercice de leur noble mission et à ne se soumettre à aucune pression imposée.
I.N.
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