«Ajwad wa Awghad», nouvel opus de Haïkel Hazgui : Un livre essentiel

L’auteur explore le processus de formation de la figure du bandit dans les villes, en mettant en lumière sa spécificité tunisienne. Comment le bandit est-il devenu cette figure que nous connaissons aujourd’hui ? Comment a-t-il fini par dominer son quartier et incarner l’image du héros-antihéros ? Qui sont ses ancêtres ?
La Presse — «Ajwad wa awghad, Quessat al bandi ettounsi» dont on peut essayer de traduire la première partie (la deuxième étant: L’histoire du bandit tunisien) «Nobles et scélérats» ou peut-être «Bons et méchants», est une œuvre exceptionnelle signée par Haïkel Hazgui, alias Nash. Le livre édité par l’association Dissonance (Nachèz) explore l’histoire fascinante du bandit tunisien entre noblesse, violence et crapulerie; légendes et réalités.
Haïkel Hazgui est titulaire d’une chaire de mathématiques et d’une maîtrise en mathématiques appliquées à l’économie. Écrivain et critique de musique, il s’intéresse à la musique traditionnelle et moderne et les cultures marginales.
«A l’instar des dieux et des demi-dieux qui ont constitué les deux piliers de la mythologie antique, les bandiyya (bandits) ont, eux aussi, façonné une sorte de mythologie urbaine dominée par les figures des saints. Ils en furent les demi-saints, représentant la face rebelle, souterraine et profane de cette mythologie.
Ils ont hérité d’un ensemble de valeurs et de principes transmis par les jeunes frondeurs et marginaux des générations passées. La mémoire populaire a vu en la figure du bandit un héros populaire, un sauveur, un redresseur de torts, et lui a attribué tout ce qui lui manquait ou qu’elle rêvait de retrouver. En retour, les récits des bandiyya et leurs légendes ont nourri un imaginaire collectif dense et foisonnant.
Les communautés ont toujours besoin de héros, et les inventent au besoin, même s’ils ne possèdent pas toutes les qualités idéales — car, comme on dit, «l’homme est naturellement contraint à l’imaginaire», c’est ainsi que l’auteur signe sa quatrième de couverture. Ce dernier nous invite à une plongée captivante dans ce monde longtemps occulté et englouti dans les recoins sombres de la ville. Un travail qu’il a entamé il y a deux ans, fruit d’une immersion au cœur de l’univers du banditisme tunisien. Haykel Hazgui a présenté son opus, invité par Perspectives Editions, dans le cadre de la Foire internationale du livre qui s’est clôturée dimanche dernier.
«Il s’agit d’une vieille obsession que je concrétise finalement, un sujet qui m’a longtemps attiré. Un travail que je considère nécessaire, car il n’existe aucune étude de recherche dans ce sens», affirme-t-il pour parler de son œuvre qu’il dédie à son grand-père Khlifa Ben Mohamed Ben Abdallah Hazgui qui lui a transmis cette passion pour l’histoire et pour la recherche.
Le livre est constitué de 232 pages dont 12 renvoyant à des références en arabe et en français. Livres, articles de presse, supports visuels, liens youtube et autres rencontres effectuées à Mahdia, Sousse, Monastir, Bizerte, Tunis et Gabès, avec d’anciens détenus, des bandits ou des personnes qui les ont côtoyés, des cinéastes, des écrivains, des familles de bandits et d’autres encore, tout un matériau qui forme un large corpus.
Haïkel y explore le processus de formation de la figure du bandit dans les villes, en mettant en lumière sa spécificité tunisienne. Comment le bandit est-il devenu cette figure que nous connaissons aujourd’hui? Comment a-t-il fini par dominer son quartier et incarner l’image du héros-antihéros? Qui sont ses ancêtres ? Etc.
Des histoires passionnantes et édifiantes rapportées par cet excellent auteur et chercheur qui aborde différents aspects autour de cette figure populaire pleine de contradictions, entre autres l’éthymologie du terme dans le diaclecte tunisien et dans l’argot, l’influence italienne et maltaise, les dokers, la boxe, les mouvements de résistance nationale, les mythes urbains, la musique populaire et l’apport féminin. Un livre à lire absolument.
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